La France connaît d’ores et déjà un climat plus chaud de +1,7 degré (°C) en moyenne par rapport à la période préindustrielle (première moitié du 19ème siècle). Une dynamique qui n’est pas près de s’arrêter, puisque Météo-France anticipe un réchauffement de +2°C en 2030, +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100.
Cette trajectoire, établie dans le cadre du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) qui a été dévoilé la semaine dernière (notre article), se base sur le réchauffement que connaîtrait la France si la température moyenne mondiale s’élevait de +3°C. À partir de là, Météo-France a été chargée de mener des travaux pour imaginer la réalité d’une vie à +4°C à horizon 2100. Ces recherches ont été compilées dans un rapport, publié ce jeudi.
«Être capable de supporter des événements extrêmes»
Tout d’abord, le réchauffement climatique ne sera pas linéaire, il se manifestera de diverses manières d’une année sur l’autre — par des pluies abondantes ou des sécheresses extrêmes, par exemple. C’est ce qu’on appelle la variabilité interannuelle. «Il ne s’agit pas que de s’adapter aux évolutions moyennes, mais aussi d’être en capacité de supporter des événements extrêmes», prévient Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint à la Direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France, qui a dirigé ce rapport.

Il faudra s’habituer à une nouvelle norme. Par exemple, une année aussi chaude que 2022 — qui fût la plus brûlante jamais mesurée en France — sera «ordinaire» en 2050, et «exceptionnellement fraîche» en 2100. «Concrètement, nous aurons affaire à un climat très différent de celui d’aujourd’hui, avec des extrêmes beaucoup plus violents que ce que nous connaissons actuellement», ajoute Jean-Michel Soubeyroux.
Canicules et nuits torrides
Il faut d’ores et déjà se préparer à des étés caniculaires et à leurs impacts sur la santé humaine, la biodiversité et les activités socio-économiques. «Les étés futurs seront plus chauds que tous ceux connus jusqu’à présent», précise encore le climatologue. Il y aura des nuits chaudes (où il fera plus de 20°C) particulièrement éprouvantes pour les personnes fragiles : on en comptera en moyenne 25 par an à l’échelle du pays, contre seulement deux lors de la période de référence (1976-2005). Et elles deviendront très fréquentes dans les régions méditerranéennes — on attend environ 88 nuits à plus de 20°C par an à Marseille (Bouches-du-Rhône), soit près de trois mois.
Les records de chaleur devraient tomber. Les températures supérieures à 40°C, plutôt rares jusqu’ici, deviendront la norme en été — tandis que des pics à 50°C pourraient être atteints localement. Ce seuil pourrait même être dépassé dès 2050. La France subira dix fois plus de jours de vagues de chaleur qu’aujourd’hui.

Des sécheresses plus longues et plus fréquentes
Quant aux ressources en eau, elles seront moindres — une diminution critique pour de nombreux secteurs comme l’agriculture, l’industrie, l’énergie ou même l’approvisionnement en eau potable. Le pays connaîtra chaque année un mois supplémentaire avec des sols secs dans la moitié nord (des terres confrontées à un déficit d’eau, pas suffisamment humides pour hydrater la végétation), et jusqu’à deux mois dans la moitié sud. Les sécheresses seront aussi plus fréquentes en été, et plus durables — quitte à se poursuivre en automne. «Selon certaines simulations, ces événements pourraient s’étaler sur plusieurs années consécutives, comme dans les Pyrénées-Orientales, mais à l’échelle nationale», avance Jean-Michel Soubeyroux.
Sous l’effet combiné des chaleurs extrêmes et des sécheresses, la menace des feux de forêt gagnera du terrain sur l’ensemble du territoire. Il y aura jusqu’à deux fois plus de jours placés en «risque élevé d’incendies» dans les régions méditerranéennes.
Précipitations en hausse et enneigement en baisse
Par ailleurs, les pluies intenses devraient se renforcer de 15% dans une France à +4°C — et jusqu’à +20% dans la moitié nord du pays. De quoi aggraver le risque d’inondations catastrophiques, notamment dans les territoires fortement imperméabilisés, comme les zones urbaines. Des épisodes tels que les crues historiques dans le Pas-de-Calais, lors de l’hiver 2023-2024, seront amenés à se reproduire.

Du côté des massifs montagneux, l’enneigement sera en chute libre, avec une réduction «massive» de l’épaisseur moyenne du manteau blanc et du nombre de jours de neige au sol en hiver. Ce phénomène aura des conséquences sur plusieurs secteurs comme la production hydroélectrique, l’agriculture d’altitude et les activités touristiques.
Une évolution différente selon les régions
Enfin, le rapport rappelle que de nombreuses incertitudes demeurent sur le climat futur — notamment sur l’évolution des précipitations — et qu’il faut considérer ces doutes pour mettre en œuvre des stratégies d’adaptation «robustes». Cela signifie qu’il ne suffit pas de prendre en compte les simulations moyennes, mais qu’il faut aussi anticiper les simulations extrêmes, qui pourraient avoir des conséquences importantes sur notre société si elles se produisaient. Par ailleurs, l’adaptation aux impacts du changement climatique doit être menée de manière transversale, en prenant en compte les particularités des territoires, rappelle Jean-Michel Soubeyroux : «Toutes les régions ne sont pas exposées ou sensibles de la même façon aux différents risques climatiques.»
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