«Notre écologie est anti-raciste», ont scandé à l’unisson une quarantaine de militant·es, alors que le célèbre activiste s’apprêtait à monter sur scène, samedi. Le défenseur des baleines était invité à la Fête de l’Humanité, au Plessis-Pâté (Essonne). Il participait à une conférence en tant que «Grand témoin» et fondateur de l’association de protection des animaux marins Sea shepherd.
Cette conférence a été perturbée : des militant·es se réclamant de l’écologie antiraciste ont tenté de l’interrompre en criant, puis ont été repoussé·es par le service d’ordre (SO) de la Fête. «Les bénévoles du SO nous ont attrapés, étranglés. J’ai même un ami qui s’est pris des coups de chaise de la sécurité», raconte auprès de Vert la militante écologiste Marie Chureau.
Zia, activiste antifasciste, participait aussi à cette action dite «spontanée». Elle raconte : «Nous avons voulu empêcher Paul Watson de parler. Je me souviens qu’il y avait plusieurs slogans : “Paul Watson n’est pas un camarade”, “Siamo tutti antifascisti” [Nous sommes tous antifascistes, NDLR] ou encore “Notre écologie est anti-raciste”. À l’arrière, selon elle, un groupe de militant·es s’est fait repousser «très violemment» par le service d’ordre, qui formait «un cordon».
«Les accusations reposaient sur des oui-dire»
L’annonce de la venue de Paul Watson avait déclenché, il y a plusieurs semaines déjà, une vague d’indignations. Plusieurs collectifs écologistes, parmi lesquels Youth for climate Paris, avaient demandé sa déprogrammation, dénonçant l’invitation d’un «éco-fasciste». «Sea shepherd a des liens avec des néonazis et des courants d’écologie conservatrice et réactionnaire. Paul Watson partage des idées malthusiennes racistes, anti-immigration et eugénistes. Il est hors de question qu’un fasciste soit invité à la Fête de l’Humanité, encore plus en tant que militant “écolo”», avait dénoncé le collectif dans une publication Instagram.
Sur la scène de l’Agora samedi, Paul Watson a répondu à l’interpellation des militant·es en déclarant, selon des propos rapportés par l’Humanité : «cette question de l’immigration a été complètement déformée. Je ne suis pas anti-immigration : je ne crois pas aux frontières. Je n’y ai jamais cru.»
Interrogée par Vert, la co-directrice de la rédaction du journal L’Humanité Maud Vergnol se défend : «Quand on a su que Youth for climate Paris appelait à empêcher la tenue de ce débat, au prétexte que c’était un fasciste, on s’est effectivement interrogés. Alors, on a fait un entretien avec lui en amont de la Fête, pour creuser ces questions. On s’est rendu compte que toutes les accusations reposaient sur des oui-dire, qu’aucun propos raciste précis n’avait été tenu par Paul Watson. Je vous invite à lire l’entretien, il répond on ne peut plus clairement !»
«Je suis profondément déçue»
Dans cet entretien, que Vert a consulté, le capitaine rejette en effet toute position malthusienne, estimant «que les gens sont parfois simplistes». À la question : «Ne considérez-vous pas que les idées d’extrême droite sont incompatibles avec la lutte pour le vivant, la biodiversité et la nature ?», il botte cependant en touche et répond : «Je ne connais aucune opinion politique, ni aucune religion compatible avec la préservation totale du vivant. Pour moi, tout ceci n’est qu’une messe collective anthropocentrique.»
L’invitation du capitaine à la Fête de l’Humanité a donc été maintenue : «Ce débat devait justement offrir la possibilité à Paul Watson de s’expliquer sur ces questions, explique Maud Vergnol. C’est vraiment dommage qu’il n’ait pas pu avoir lieu. Des désaccords à gauche, il y en a. Que des militant·es expriment leur désaccord, c’est normal. Mais que des gens sans aucun argument empêchent la tenue d’un débat, cela s’apparente à du fascisme.»
Pour Marie Chureau, cette Fête a été le théâtre d’une véritable «dissonance» : «J’ai passé du temps à clamer que les communistes étaient des anti-fascistes. Je me revendique moi-même de cet héritage-là. Je suis profondément déçue.»
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