Qu’est-ce que l’Écologie culturelle ?
Il s’agit de rapprocher écologie et culture, pour que l’écologie ne touche pas seulement par la science et la politique, mais aussi par la sensibilité. La culture ne se réduit pas à l’art. C’est tout ce qui fait la société : ce qu’on mange, comment on converse. Le libéralisme et le capitalisme ont très bien compris ça. Ils ont agi sur la psychologie des gens. Il faut faire pareil avec l’écologie.
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Nous avons aussi une préoccupation : celle d’être rattaché au territoire. C’est pourquoi nous plaidons pour des maisons de l’écologie culturelle qui portent des visions jardinières, académiques, artistiques. Une maison doit être un cocktail de tout ça et surtout pas une spécialisation. L’écologie, c’est l’ensemble de la société et du vivant et les relations des êtres vivants entre eux.
Dans l’écologie culturelle, on multiplie des expériences très différentes. Cela fait six mois qu’on a lancé l’idée de maisons de l’écologie culturelle et il y en a maintenant six, des jardins partagés à Bécherel, un lieu privé dans le Béarn. On valorise l’écologie participative : ça part d’un territoire avec une visée universelle. C’est ce qu’on enseigne aussi sur le campus de Caen de Sciences Po Rennes dans un cours d’Écologie culturelle.
L’Écologie culturelle rencontre-t-elle son public, selon vous ?
Oui, l’engouement est là. Nous sommes en train de monter un master d’Écologie culturelle à Sciences Po Rennes. L’école des Ponts est intéressée et veut former 70 étudiantes et étudiants, des architectes des bâtiments de France, d’AgroParis Tech et de Polytechnique.
Les gens sont en train de s’approprier les idées. On a totalement débordé le milieu artistique. Maintenant, ça infuse dans la société. Je veux aller plus loin et m’intéresser au design, car je plaide pour une écologie banale, la plus quotidienne possible. Le design pénètre les objets du quotidien. Avec Pierre Gilbert, nous avons d’ailleurs participé à Amour vivant [un salon de design, NDLR], ça m’a ouvert beaucoup d’idées. J’ai découvert que l’Art nouveau avait été inspiré par Haeckel, qui n’est autre l’inventeur du mot «Ecologie». L’Art nouveau était tellement beau que les gens qui cherchaient une nouvelle esthétique s’en sont passionnés. Dès le départ, l’écologie est une vision réaliste et scientifique des choses, mais aussi une culture et infuse dans l’art. Il faut les deux.
Vous participez bientôt à une soirée organisée par le Musée d’Orsay pour sensibiliser les publics artistiques à l’écologie. Qu’allez-vous faire dans cette grande institution ?
C’est une soirée tripartite qui inaugure les Curieux jeudis du Musée d’Orsay, un rendez-vous axé autour de la jeune génération. Orsay conserve les tableaux des peintres de Barbizon qui peignaient en plein air et défendaient le «patrimoine vert», comme je l’ai expliqué dans mon livre sur la forêt de Fontainebleau [Des arbres à défendre, éditions Le Pommier]. La forêt de Fontainebleau a d’abord été sauvée par une lutte esthétique avant que ce soit une lutte scientifique.
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Pendant cette soirée, le collectif Minuit 12 fera un happening dans la grande nef. Puis, nous continuerons la soirée dans la salle des fêtes, dans un décor kitsch et luxueux avec des guirlandes de cristal partout. J’y donnerai mon nouveau spectacle sur George Sand avec Camille Etienne et Justine Sène. Une mise en scène simple avec un mapping d’Emma Varichon, qui projetera des tableaux sur le piano. Ça donne un côté féérique. Le piano est le passeur entre différentes époques. Avec Hélène Binet de Makesense, on se demandera quelles leçons tirer de l’histoire pour comprendre et sensibiliser autrement.
Vous avez récemment réalisé un Curious Mapping de la Seine : de quoi s’agit-il ?
Le but était de créer des utopies et des dystopies à partir du pont des Arts, à Paris, sur le mur en contrebas du Louvre. C’est un faux jeu qui propose aux gens de faire ou ne rien faire pour le climat. Si tu fais quelque chose, le Déjeuner sur l’herbe [célèbre tableau d’Edouard Manet, NDLR] devient une nature exubérante. Sinon, la terre se craquelle, les arbres s’assèchent.
Cela pose d’ailleurs des questions intéressantes sur les musées. Avec le changement climatique, dans quelle mesure une œuvre va-t-elle être une relique, le témoin d’un monde disparu ?
Les passants étaient très surpris, ils disaient que c’était une bonne idée. C’était compris comme une action artistique, ils étaient stupéfaits. J’ai travaillé avec Antoine Zybura, un jeune motion designer, très doué. C’était un essai et on va essayer de faire ça régulièrement avec des appels aux artistes. Je pense qu’on peut lancer un mouvement. Ça peut avoir un gros impact.
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