Reportage

Paris Games Week 2023 : le jeu vidéo français s’ouvre à l’inclusivité

Game ovaires ? À la Paris Games Week (PGW), vaste salon annuel dédié au loisir le plus populaire de France qui s’est ouvert ce mercredi, le secteur met en avant ses progrès en matière de parité et d’inclusivité des personnes en situation de handicap. L’écologie, elle, est encore aux abonnés absents. Reportage.
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Des visages éclairés par les lumières multicolores des écrans. Des yeux qui pétillent dans l’obscurité et qui s’agitent. Un brouhaha ponctué de cris de joie (et de rage). Des sourires jusqu’aux oreilles. Jusqu’au 5 novembre 2023, la Paris Games Week tient salon au Parc des Expositions de la porte de Versailles. Les allées bondées de jeunes, et de moins jeunes, qui patientent dans de longues files d’attente, avant de tester les dernières nouveautés matérielles et vidéoludiques, montrent à quel point cette industrie est devenue majeure dans le quotidien des Français·es.

Où sont les femmes ?

Selon une récente enquête de Mediamétrie commandée par le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (Sell), le nombre de joueurs et de joueuses n’a jamais été aussi élevé en France, avec «sept Français·es sur dix qui jouent aux jeux vidéo, au moins occasionnellement». L’essence des jeux vidéo qui transporte les gamers dans des univers permet de rassembler des milliers de communautés sans distinction de genre, d’origine, de niveau social ou scolaire. Mais le milieu est, malheureusement, connu pour ses dérives discriminatoires, notamment envers les femmes et les minorités en général.

Alors qu’elles représentent 49% des gamers en France, les femmes sont encore sous-représentées dans cet univers. Sur un petit stand de la PGW, on trouve l’association française Women In Games (WIG), qui se bat pour la mixité dans cette industrie. Créée en 2017, elle regroupe plus de 3 000 membres, dont de nombreuses étudiantes et professionnelles du milieu.

Selon Médiamétrie, 67% des Françaises jouent aux jeux vidéo. © Alexandre Carré / Vert

«À l’époque de la création de l’asso, il y avait 14% de femmes dans l’industrie des jeux vidéo. Aujourd’hui, on est à 24%, confie à Vert Anna Bressan, secrétaire de WIG, directrice artistique et enseignante. C’est un travail de longue haleine, mais on voit des résultats et ça, ça fait plaisir!» Sur leur stand, niché au milieu des studios «Made in France», trois jeux à tester : Pâquerette Down the Bunburrows du studio Bunstack, Blade Prince Academy développé par Angel Corp et Movierooms, de Mad Pumpkins. Leur particularité ? Tous comptent au moins une femme à un haut poste dans la direction ou une équipe entièrement composée de femmes.

Le but de l’association : doubler le nombre de femmes et personnes non-binaires dans l’industrie en dix ans. «Pour arriver à ce résultat, nous mettons en place des actions riches et variées, comme rendre plus visible les rôles modèles inspirants de personnes de genre marginalisé par exemple, décrit la secrétaire de l’association. Nous intervenons aussi dans les écoles et les studios de développement pour former les acteur·rices du secteur à l’inclusion et à l’égalité. Et surtout, nous facilitons le développement professionnel grâce à des formations et au réseautage disponible via notre site. Tout ça gratuitement».

Marc Lacombe, dit Marcus, spécialiste des jeux vidéo rétro, joue sur la scène de la chaîne de télévision GameOne devant le public très masculin de la PGW. © Alexandre Carré / Vert

Gros point noir dans le milieu : le nombre de joueuses intéressées par l’esport (pour sport électronique) descend à 30%, celui de pratiquantes, à 3%. Pour l’association, cela s’explique par «la toxicité de la compétition envers les femmes et les réseaux sociaux qui ne font pas de cadeaux.»

Les ligues féminines se développent malgré tout, notamment avec la «Coupe des Étoiles». Un tournoi exclusivement féminin sur le jeu League of Legends, avec des équipes de grandes structures de jeux vidéo françaises, comme la Team GO Aurora qui a remporté le titre cette année. Mais dans un loisir où les barrières de genre sont censées être abolies, l’idéal des équipes mixtes semble encore lointain : «C’est en cours de route, espère Anna Bressan. Il y a encore très peu de joueuses, mais elles existent. Cela demande juste un peu plus d’effort aux organisateurs et nous sommes là pour faciliter ce travail.»

Inclure les gamers en situation de handicap

Dans le second pavillon du salon, au milieu des amateur·rices de déguisements (cosplayers) ou de vieux jeux vidéo (rétrogamers), un stand se démarque par ses manettes un peu particulières. Estampillé «Jouez comme vous êtes», il rassemble une dizaine d’associations et de studios qui facilitent l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situations de handicap. Nous sommes invités à tester des jeux traditionnels de foot et de course avec le menton ou les coudes pour comprendre la différence, et parfois la difficulté, que représente le fait de jouer avec un handicap.

À la PGW on pouvait tester des manettes spécialisées aux handicaps, comme ici avec un joystick et des boutons adaptés. © Alexandre Carré / Vert

L’association CapGames travaille depuis dix ans sur l’accessibilité du jeu vidéo. Responsable du testing dans l’association, Stéphane Laurent explique que leurs missions s’axent sur deux points : la veille technologique et l’identification des jeux les plus accessibles. «Sur le premier point, nous travaillons avec des ergothérapeutes et des studios pour les former pour proposer et éclairer les solutions aux joueurs qui n’étaient pas au courant de leurs existences, renseigne le bénévole. Sur le second point, nous avons fait le constat que les éditeurs et les vendeurs de jeux ne fournissaient aucune information sur la compatibilité des jeux avec le handicap. Nous avons donc mis en place une grille de notation des jeux pour leur délivrer une note objective sur leur accessibilité aux différents handicaps.»

Depuis quelques années, les marchands de consoles se mettent à la page et proposent des manettes adaptées à des prix raisonnables (environ 90€). Le dernier axe de travail de l’association vise à développer la scène esportive. En attendant de pouvoir intégrer les circuits valides, les personnes en situation de handicap peuvent déjà s’affronter sur des tournois adaptés comme ceux créés par l’association dont les finales se joueront samedi sur la scène de leur stand.

Si le salon fait des efforts notables en faveur d’une plus grande parité et inclusion, l’écologie est encore un non-sujet.

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