Dans l'actu

Nucléaire : avis de déchets

  • Par

Fis­sile à dire… L’in­dus­trie nucléaire française s’é­tait promis de recy­cler son com­bustible à l’in­fi­ni. Mais le rêve s’est brisé et c’est une mon­tagne de prob­lèmes qui ressur­git alors que le prochain plan de ges­tion des déchets est atten­du à la ren­trée.

[Mis à jour le 13 sep­tem­bre 2021] Van­tée pour son car­ac­tère décar­boné, l’én­ergie nucléaire souf­fre d’un défaut par­ti­c­ulière­ment encom­brant : ses déchets. A fin 2019, l’in­ven­taire offi­ciel en recen­sait 1,7 mil­lion de mètres cubes, à la radioac­tiv­ité vari­able. Ces pro­duits dits « ultimes » sont ou seront accueil­lis dans dif­férentes poubelles : les plus dan­gereux, par exem­ple, seront ensevelis dans Cigéo, à Bure (Meuse). Mais ces quan­tités, déjà impres­sion­nantes, ne représen­tent en fait que 4% des vol­umes générés par l’in­dus­trie élec­tronu­cléaire. Le reste – 96%, donc ! – est classé comme de la « matière » car une util­i­sa­tion ultérieure est prévue. Ou plutôt l’é­tait. Car à l’été 2019, le gou­verne­ment a aban­don­né très dis­crète­ment Astrid, le dernier pro­to­type de réac­teur cen­sé fer­mer le cycle du nucléaire, c’est-à-dire réu­tilis­er des matières comme com­bustible neuf. Après 70 ans de recherch­es, le rêve d’un nucléaire pro­pre s’est donc envolé. Et 350 000 tonnes de matières accu­mulées se retrou­vent sans emploi ou presque.

Les déchets sont stock­és dans dif­férents sites en fonc­tion de leur radioac­tiv­ité et de leur durée de vie. Ici, un col­is de déchets de faible et moyenne activ­ité (FMA) est déchargé au cen­tre de stock­age des déchets de l’Aube © Andra

Leur classe­ment en « déchet » est un choix lourd de con­séquences puisqu’il ne s’a­gi­ra plus de les entre­pos­er mais bien de les immo­bilis­er dans des sites spé­ci­aux, moyen­nant une charge finan­cière con­séquente. Selon un rap­port de Green­peace paru en sep­tem­bre 2019, cette requal­i­fi­ca­tion représen­terait au bas mot 18 mil­liards d’euros de coûts de ges­tion sup­plé­men­taires pour la fil­ière. Un coup très dur alors que les entre­pris­es du secteur ont déjà une san­té chance­lante. EDF, par exem­ple, est endet­tée à hau­teur de 42 mil­liards d’euros, soit 58% de son chiffre d’af­faires.

Le gou­verne­ment doit présen­ter à la ren­trée son nou­veau plan nation­al de ges­tion des matières et déchets radioac­t­ifs pour la péri­ode 2021–2025. Et de nom­breuses ques­tions restent encore en sus­pens. Par exem­ple, l’Au­torité de sûreté nucléaire a jugé « indis­pens­able qu’une quan­tité sub­stantielle d’uranium appau­vri soit requal­i­fiée, dès à présent, en déchet radioac­t­if » (son avis). Ce sous-pro­duit des usines d’en­richisse­ment d’u­ra­ni­um con­stitue la plus grande part des matières radioac­tives, avec 321 000 tonnes. Mais la fais­abil­ité tech­nique de son stock­age n’a encore jamais été éprou­vée et aucun lieu n’est iden­ti­fié pour l’ac­cueil­lir. 

Le stock de plu­to­ni­um (58 tonnes), généré lors de la réac­tion nucléaire, pose égale­ment des ques­tions. « Il fau­dra très prob­a­ble­ment l’immobiliser dans une matrice céramique », explique Yves Mari­gnac, con­sul­tant sur le nucléaire au sein du groupe Négawatt. Or, non seule­ment l’opéra­tion est très coû­teuse mais ni le procédé, ni l’u­sine n’ex­is­tent aujourd’hui. Autant de ques­tions dont on ne se débar­rassera pas si facile­ment.