Portrait

Nemo Andi Guiquita, ambassadrice de l’Amazonie à la COP26

A Glasgow comme devant les tribunaux, Nemo Andi Guiquita veut faire entendre au monde l’ampleur de la destruction de la forêt amazonienne. Portrait d’une guerrière acharnée, émissaire des peuples humains et non-humains de l’Amazonie.
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Nemo Andi Guiquita, 37 ans, avertit d’une voix pénétrante : « Si la forêt disparaît, nous aussi nous mourrons ». La leader Waorani s’est rendue à la COP26 pour représenter la Confédération des nationalités autochtones de l’Amazonie équatorienne (CONFENIAE) qui regroupe 13 « nacionalidades » – ces ensembles de peuples millénaires – et 23 organisations. « La COP, explique-t-elle à Vert, est un espace dans lequel nous, peuples autochtones, pouvons parler en notre nom et non par l’intermédiaire des délégués du gouvernement en qui nous n’avons pas beaucoup confiance. » Et pour cause.

Mardi, Nemo a pris la parole dans le cadre du « tribunal des droits de la nature » qui s’est tenu à Glasgow, à l’issue duquel des scientifiques, politiques et autochtones ont demandé que l’Amazonie devienne l’une des parties à la COP © COP26 Coalition

Opposée de longue date à l’Etat équatorien, Nemo lui a livré bataille pour avoir vendu des terres ancestrales à des multinationales pétrolières. En 2019, ce combat a mené les siens devant la justice où ils l’ont emporté et repoussé les compagnies extractivistes. Une victoire pourtant insuffisante, selon elle : « Nous avons gagné dans la province de Pastaza, mais que se passera-t-il pour Orellana et Napo [les deux autres provinces sur lesquelles s’étend leur territoire, NDLR? Nous ne pouvons pas multiplier les recours. Les avocats coûtent trop cher et nous n’avons pas d’argent. »

Les Waoranis ont été les derniers peuples d’Amazonie à se trouver en contact avec le monde occidental, dans les années 1950, au travers de la cheffe Dayume, la grand-mère de Nemo. Élevée dans une tradition matriarcale au sein de la communauté de Toñampare, celle-ci a toujours reçu le soutien nécessaire pour s’affirmer et étudier, confie-t-elle. Ce qui lui a permis de devenir vice-présidente de la nationalité Waorani d’Equateur (NAWE). Elle n’est d’ailleurs pas la seule de son genre à être en première ligne pour lutter « sans peur » contre l’accaparement des terres, ou bien la propagation du Covid-19. « Les hommes, eux, se cachent toujours derrière nous. » Désormais, la leader parle au nom de son peuple et de la forêt, comme deux notes d’une même voix. Une forêt qui n’est pas seulement un garde-manger ou une pharmacie pour ces communautés mais aussi leur monde spirituel : « Pour nous, la forêt est vivante, elle respire. Chaque plante, chaque rivière, chaque montagne a son esprit auquel nous nous connectons. La forêt prend soin de nous et nous prenons soin d’elle. » Malheureusement, celle-ci est déjà bien décimée. Nemo affirme que le parc national Yasuni, qui s’étend sur une partie des 800 000 hectares de leur territoire, aurait perdu « 50% de sa surface. La forêt est pleine de plateformes, de campements, de pipelines ».

Déforestation dans le parc Yasuni, qui fait partie des 19 zones mondiales de mégadiversité © Document remis par Nemo Andi Guiquita

Un constat de mort qui enrage la cheffe. Elle souhaite voir ses enfants grandir dans son paradis de diversité : « Nous avons énormément de terres. Nous pouvons y marcher librement, naviguer sur nos rivières, nager, gravir nos montagnes, nous pouvons adopter les animaux dans nos maisons, partager tout. Nous voulons continuer à vivre dans la forêt, libres. » Et qui lui donne autant de force pour sanctuariser ce qui en reste. Cette force, elle dit la partager avec l’ensemble des autochtones qui se battront jusqu’au dernier pour leurs territoires : « Nos ancêtres ont déjà lutté pour les mêmes terres. Et les grands chefs ont été tués pour elles. »

A la COP, Nemo s’est entretenue avec d’autres leaders du monde entier, l’occasion d’évoquer leurs luttes respectives. En marge des négociations, les peuples autochtones ont participé au « tribunal international des droits de la nature » : un procès fictif lors duquel ils ont demandé à ce que l’Amazonie soit intégrée comme l’une des Parties à la COP. Une façon d’enjoindre aux peuples « sans conscience » – comprendre : la société occidentale mondialisée – de prendre les bonnes décisions pour préserver le vivant : « Aujourd’hui, les grandes banques et les dirigeants de la planète ont l’opportunité de montrer de quel côté ils sont : de celui qui permet la survie de l’humanité ou celui qui détruit la planète. »

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