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Martinique, Guadeloupe, La Réunion… des ONG dénoncent une «discrimination environnementale» dans l’accès à l’eau potable

Eau secours. L’association Notre affaire à tous et dix collectifs ultramarins déplorent les grandes difficultés d’accès à l’eau dans les territoires d’outre-mer. Face à ces carences, les ONG demandent une augmentation «forte» des financements de l'État.
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Un «état des lieux accablant». L’association Notre affaire à tous et dix organisations ultramarines alertent sur les grandes difficultés d’accès à l’eau potable dans les territoires d’outre-mer, dans un rapport publié ce lundi. Coupures prolongées, pollution de l’eau, tarification élevée malgré un service défaillant… cette situation touche «près de trois millions de personnes en France», qui subissent «de graves problématiques pour accéder à ce service public vital», écrivent les signataires, parmi lesquels l’Assaupamar (Martinique), Guyane Nature environnement ou encore Mayotte Nature environnement.

Ce rapport s’inspire d’une méthodologie décoloniale : ses auteur·ices se sont appuyé·es sur la recherche académique, articulée au savoir et au vécu des personnes concernées par le manque d’eau sur le terrain. Il pointe des conséquences sanitaires et sociales particulièrement lourdes – notamment pour les enfants – et dénonce une «grave discrimination environnementale» des populations.

Des habitant·es de Saint-André, sur l’île de La Réunion, lors d’une distribution de bouteilles d’eau pour compenser les pénuries prolongées. © Richard Bouhet/AFP

En Guadeloupe, le réseau est dans un tel état qu’un rapport publié en 2018 le place dans la catégorie D, la plus mauvaise selon les critères de la Banque mondiale. Dans l’archipel, «la quasi-totalité du réseau est dégradée, relève le rapport. Les techniciens ont réparé trois 110 fuites en 2020, mais le délabrement du réseau est tel que 63,3% de l’eau est perdue à cause de fuites pendant son acheminement vers les ménages.»

La problématique des fuites est commune à tous les territoires d’outre-mer : «Plus d’un tiers de l’eau collectée serait perdue à Mayotte, près de 50% en Martinique, et 60% à La Réunion, est-il encore indiqué. L’état catastrophique du réseau entraîne des coupures d’eau à répétition. À Mayotte, lors de la sécheresse de 2023, l’eau au robinet n’était disponible qu’environ huit heures tous les trois jours». En Guadeloupe, les coupures «peuvent durer plusieurs semaines dans certains secteurs, alors que le prix de l’eau y est l’un des plus élevés de France», lit-on également.

Lorsqu’elle est disponible, l’eau n’est pas toujours de bonne qualité : «Dans tous les territoires dits d’outre-mer, la ressource en eau est exposée à d’importantes pollutions», alertent les associations. En Guadeloupe et en Martinique, l’utilisation prolongée du chlordécone – cette substance présente dans des insecticides déversés dans les bananeraies, responsable de nombreux cancers – a pollué les sols, puis les cours d’eau. À tel point que, en 2017, ce produit était détecté dans 79% des prélèvements d’eau de rivière en Guadeloupe.

En Guyane, l’eau est contaminée au mercure. Une pollution «particulièrement importante du fait de l’activité aurifère» (liée au commerce de l’or), qui touche les populations qui vivent sur les berges des fleuves et qui en consomment l’eau et les poissons.

L’ONU interpelle la France

«Les territoires d’outre-mer ne sont pas traités comme le reste du territoire français. Nulle part ailleurs en France on accepterait une telle situation», dénonce Jérémie Suissa, le délégué général de Notre affaire à tous. Sur France inter lundi matin, Priscillia Ludosky, présidente du collectif des luttes sociales et environnementales, a déclaré : «132 millions d’euros ont été alloués en Martinique et en Guadeloupe sur cinq ans. Pour dépolluer la Seine, 1,5 milliard a été mis sur la table.»

Sabrina Cajoly, fondatrice de l’association antillaise Kimbé Rèd FWI, rappelle : «Depuis 2021, l’ONU a interpellé la France à de nombreuses reprises sur la crise de l’eau en Guadeloupe et la pollution au chlordécone aux Antilles.»

Face à ces carences, les ONG demandent une reconnaissance officielle de cette situation comme relevant de la «discrimination environnementale», ainsi qu’une augmentation «forte» des financements de l’État – les besoins sont estimés dans le rapport à 2,36 milliards d’euros uniquement pour rattraper l’Hexagone –, et une meilleure implication des habitant·es dans les politiques publiques. Elles demandent également l’instauration d’un «droit opposable à l’eau potable pour toutes et tous», qui permettrait aux populations de faire valoir juridiquement leur droit à l’eau potable lorsque celui-ci n’est pas respecté.

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