On touche le fond. Le Parlement norvégien vient d’autoriser la prospection minière au cœur d’une vaste zone de l’océan arctique présumée riche en minerais stratégiques pour la transition énergétique. Malgré la mobilisation d’activistes internationaux, les garde-fous proposés par le gouvernement restent bien trop fragiles.
La Norvège vient-elle d’ouvrir une boîte de Pandore ? Elle vient en tout cas d’autoriser formellement l’exploration minière de l’océan profond, malgré les vives réticences de la communauté scientifique, qui craint que son écosystème largement méconnu soit trop fragile pour s’en remettre.
Depuis qu’il a présenté cet été son projet d’ouvrir une zone de 280 000 km² (la moitié de la France) à l’exploration et à l’exploitation minière, le gouvernement norvégien a pourtant rencontré une opposition inhabituelle, tant à l’intérieur du pays qu’à l’international. «La consultation nationale a recueilli des résultats très défavorables et une pétition internationale lancée sur Avaaz a réuni près de 600 000 signataires, ce qui a beaucoup surpris dans un pays de cinq millions d’habitants», insiste Anne-Sophie Roux, activiste de la Sustainable Ocean Alliance, qui s’est rendue sur place en compagnie de Camille Étienne.

Grâce aux réseaux sociaux, les activistes sont parvenues à mobiliser de nombreuses personnalités, telles que la footballeuse norvégienne et ballon d’or Ada Hegerbe, le skieur français Martin Fourcade ou encore l’actrice néerlandaise Carice Van Houten (Game of Thrones). Mais malgré la mobilisation, l’accord scellé début décembre entre le gouvernement travailliste, la droite populiste et le parti conservateur a été largement validé hier, avec 80 voix pour et 20 contre. La contre-proposition des socialistes, des communistes et des écologistes, visant à instaurer un moratoire de dix ans, a été rejetée.
Comme (maigre) garde-fou, l’accord prévoit qu’en cas d’exploration concluante (gisements et faisabilité suffisants), les plans d’extraction seront soumis au Parlement pour un nouveau vote. «On a gagné du temps», commente Anne-Sophie Roux, qui espère que les prochaines élections législatives, prévues en septembre 2025, ébranleront l’équilibre actuel.
L’accord prévoit en outre que l’Agence norvégienne pour l’environnement et l’Institut de recherche marine soient impliqués dans la préparation des travaux pour garantir qu’ils soient «durables». «Il est impossible de miner de façon durable avec des monstres de labour qui font quatre à cinq fois la taille d’une moissonneuse-batteuse et remettent des sédiments en suspension sur des milliers de kilomètres carrés», rétorque Anne-Sophie Roux. Outre les atteintes aux espèces sur toute la chaîne alimentaire, les opposant·es craignent que le relâchement du carbone séquestré dans les sols océaniques ne génère une nouvelle «bombe climatique».
«C’est une honte parce que la Norvège risque de créer un précédent», s’est désolé le représentant de Greenpeace Norvège Frode Pleym auprès de l’AFP. Si 24 pays – dont la France – soutiennent un moratoire contre l’exploitation minière des fonds marins, d’autres lorgnent au contraire les gisements qui dorment à plusieurs milliers de mètres sous l’eau. Ils brandissent au passage l’argument de la transition écologique puisque le cobalt, le cuivre, le manganèse ou encore le nickel qui s’y trouvent sont utilisés dans les technologies bas carbone tel que les voitures électriques ou les réseaux électriques.