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Malgré la controverse, la Norvège ouvre la voie à l’exploitation minière des fonds marins

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On touche le fond. Le Par­lement norvégien vient d’autoriser la prospec­tion minière au cœur d’une vaste zone de l’océan arc­tique pré­sumée riche en min­erais stratégiques pour la tran­si­tion énergé­tique. Mal­gré la mobil­i­sa­tion d’activistes inter­na­tionaux, les garde-fous pro­posés par le gou­verne­ment restent bien trop frag­iles.

La Norvège vient-elle d’ouvrir une boîte de Pan­dore ? Elle vient en tout cas d’au­toris­er formelle­ment l’exploration minière de l’océan pro­fond, mal­gré les vives réti­cences de la com­mu­nauté sci­en­tifique, qui craint que son écosys­tème large­ment mécon­nu soit trop frag­ile pour s’en remet­tre.

Depuis qu’il a présen­té cet été son pro­jet d’ouvrir une zone de 280 000 km² (la moitié de la France) à l’exploration et à l’exploitation minière, le gou­verne­ment norvégien a pour­tant ren­con­tré une oppo­si­tion inhab­ituelle, tant à l’intérieur du pays qu’à l’international. «La con­sul­ta­tion nationale a recueil­li des résul­tats très défa­vor­ables et une péti­tion inter­na­tionale lancée sur Avaaz a réu­ni près de 600 000 sig­nataires, ce qui a beau­coup sur­pris dans un pays de cinq mil­lions d’habitants», insiste Anne-Sophie Roux, activiste de la Sus­tain­able Ocean Alliance, qui s’est ren­due sur place en com­pag­nie de Camille Éti­enne.

Les mil­i­tantes français­es pour le cli­mat Camille Eti­enne et Anne-Sophie Roux (cen­tre), et l’ac­teur français Lucas Bra­vo (à droite), par­ticipent à une man­i­fes­ta­tion con­tre l’ex­ploita­tion minière des fonds marins devant le Par­lement norvégien à Oslo, le 9 jan­vi­er 2024.© Javad Parsa / AFP

Grâce aux réseaux soci­aux, les activistes sont par­v­enues à mobilis­er de nom­breuses per­son­nal­ités, telles que la foot­balleuse norvégi­en­ne et bal­lon d’or Ada Hegerbe, le skieur français Mar­tin Four­cade ou encore l’actrice néer­landaise Carice Van Houten (Game of Thrones). Mais mal­gré la mobil­i­sa­tion, l’accord scel­lé début décem­bre entre le gou­verne­ment tra­vail­liste, la droite pop­uliste et le par­ti con­ser­va­teur a été large­ment validé hier, avec 80 voix pour et 20 con­tre. La con­tre-propo­si­tion des social­istes, des com­mu­nistes et des écol­o­gistes, visant à instau­r­er un mora­toire de dix ans, a été rejetée.

Comme (mai­gre) garde-fou, l’accord prévoit qu’en cas d’exploration con­clu­ante (gise­ments et fais­abil­ité suff­isants), les plans d’extraction seront soumis au Par­lement pour un nou­veau vote. «On a gag­né du temps», com­mente Anne-Sophie Roux, qui espère que les prochaines élec­tions lég­isla­tives, prévues en sep­tem­bre 2025, ébran­leront l’équilibre actuel.

L’accord prévoit en out­re que l’A­gence norvégi­en­ne pour l’en­vi­ron­nement et l’In­sti­tut de recherche marine soient impliqués dans la pré­pa­ra­tion des travaux pour garan­tir qu’ils soient «durables». «Il est impos­si­ble de min­er de façon durable avec des mon­stres de labour qui font qua­tre à cinq fois la taille d’une moisson­neuse-bat­teuse et remet­tent des sédi­ments en sus­pen­sion sur des mil­liers de kilo­mètres car­rés», rétorque Anne-Sophie Roux. Out­re les atteintes aux espèces sur toute la chaîne ali­men­taire, les opposant·es craig­nent que le relâche­ment du car­bone séquestré dans les sols océaniques ne génère une nou­velle «bombe cli­ma­tique».

«C’est une honte parce que la Norvège risque de créer un précé­dent», s’est désolé le représen­tant de Green­peace Norvège Frode Pleym auprès de l’AFP. Si 24 pays – dont la France – sou­ti­en­nent un mora­toire con­tre l’exploitation minière des fonds marins, d’autres lorgnent au con­traire les gise­ments qui dor­ment à plusieurs mil­liers de mètres sous l’eau. Ils bran­dis­sent au pas­sage l’argument de la tran­si­tion écologique puisque le cobalt, le cuiv­re, le man­ganèse ou encore le nick­el qui s’y trou­vent sont util­isés dans les tech­nolo­gies bas car­bone tel que les voitures élec­triques ou les réseaux élec­triques.