Depuis la sortie de son premier album, Sergei (2019), la multi-instrumentiste française enchaîne les concerts, conviant le public à une grande communion sonore et festive, où l’expérimentation domine. Vert l’a rencontrée au festival Cabaret vert 2024, à Charleville-Mézières, pour parler inspirations, tournées et gestes écolos au quotidien.
Quand on est artiste et qu’on travaille comme toi sur la matière sonore, qu’on cherche à restituer des ambiances qui peuvent évoquer des univers naturels, oniriques, ou des accès à d’autres mondes, comment on s’y prend ?
Je ne calcule pas ! Ce que je peux dire, c’est que je suis dans une recherche pour, en quelque sorte, figer le temps. C’est cela qui me fascine. J’ai très peur de la mort et ce qui m’apaise, c’est la nature. Il y a des arbres qui ont 300 ans. C’est dingue ce qu’ils ont vu, avec toutes leurs racines. J’imagine qu’il y a une connexion avec la nature du fait de cette intemporalité. Et parce que je cherche la transe : avec ses rythmes répétitifs, cela te fait oublier le temps. Là, je viens de passer du temps en Suisse italienne. Mon trip, c’est ça : partir dans les endroits les plus sauvages qui puissent exister.
Comment cette connexion se traduit-elle dans tes morceaux ?
Je pense à ce morceau, «Jacob», composé pendant le Covid, où j’ai eu la chance de pouvoir être à la montagne. Ce morceau est né d’un bout de bois : j’ai pris un morceau de bois, j’y ai placé un micro piezo — un micro capsule qui se colle — et une pédale d’effet. Il y avait cet accord et cette note précises produites par le bois. Je travaille beaucoup avec la matière : des peaux d’animaux, du bois, du métal, des pierres, en trafiquant le son un peu à la manière de John Cage. Il y a ce côté très tribal, mais c’est très intuitif, je ne peux pas l’expliquer. Ce n’est pas un programme, c’est une expérience. Qui me fait du bien et que je partage.
Tu t’es produite cet été au Cabaret vert, un festival qui met l’accent sur l’écologie. Es-tu au courant de ce positionnement dans ce genre d’événements ? Est-ce important pour toi ?
J’ai accès à ces informations, mais plutôt une fois que je suis sur place. Difficile de le savoir en amont. Ce que je peux dire par rapport à mon expérience, c’est que de plus en plus de festivals sont très impliqués sur l’écologie. C’est très rare pour moi d’être complètement choquée par des comportements déplacés à ce niveau. J’étais récemment en Suisse, au Paléo Festival, et il y avait la même attention portée à ces questions.
Dans ta vie quotidienne ou professionnelle, quels efforts fais-tu en matière de sobriété ?
Mon fils a deux ans et demi et je me sens très concernée par toutes ces questions. Cela concerne le monde que je vais lui laisser. Et je ne veux pas lui laisser de la merde. Après, à un niveau individuel, on fait ce que l’on peut et j’apprécierais que Bolloré en fasse de même ! Mais j’essaie d’avoir une bonne conscience : manger peu de viande, faire attention à l’eau, ne pas trop prendre l’avion. Après, quand on tourne, c’est compliqué. J’essaye un max de prendre le train. Pour aller à Madrid, je prends le train, mais est-ce que je vais refuser une tournée aux États-Unis pour éviter de prendre l’avion ? J’ai tellement travaillé…
As-tu l’impression que la question des transports est suffisamment abordée dans l’organisation des tournées ?
Je pense que de plus en plus de tourneurs sont concernés, le mien en premier ! Et les artistes, en soulevant ces questions, sont moteurs pour faire bouger les choses.
Photo de couverture : Lucie Antunes, au centre, sur l’une des scènes du Cabaret vert, le vendredi 16 août. © Cabaret Vert 2024
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