C’est une petite révolution dans la gestion des populations de loups gris en France : l’ensemble des éleveur·ses vont obtenir le droit de tuer le prédateur sans demande de dérogation préalable, comme c’était le cas jusqu’à maintenant.
L’annonce a été officialisée mardi en fin d’après-midi, à l’issue d’une réunion du Groupe national loup (GNL), qui rassemble les acteurs concernés par l’animal (État, organisations agricoles, associations environnementales, chasseur·ses…).
Le futur dispositif de protection des troupeaux – dont la date d’entrée en vigueur n’est pas encore précisée – prévoit notamment «une simplification significative des conditions d’accès aux tirs de défense», indique la préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes (qui coordonne le GNL), dans un communiqué que Vert s’est procuré.
Changement de régime
Principale mesure annoncée, «le passage, dans les territoires exposés à la prédation, du régime d’autorisations dérogatoires au profit d’un système déclaratif». Entre les lignes, cette réforme implique que chaque éleveur·se sera désormais autorisé·e à tuer des loups sans demande d’autorisation préalable.
Le loup gris est une espèce protégée en France et sa destruction est interdite par la loi. Mais des dérogations existent : après une attaque, une exploitation agricole peut demander une autorisation de tir de défense auprès de sa préfecture.
Cette autorisation peut ensuite être accordée à une personne détentrice d’un permis de chasse (l’éleveur·se en personne, un·e chasseur·se, des louvetier·es spécialisé·es…) sous plusieurs conditions : que des mesures de protection (clôtures électriques, chien de garde…) aient déjà été mises en place pour le troupeau menacé, ou encore que le nombre maximal de loups tués chaque année en France ne soit pas déjà atteint – actuellement 146 animaux ont été tués sur les 192 abattages autorisés pour l’année 2025.
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Avec la réforme annoncée ce mardi, l’ensemble des éleveur·ses (ovins, caprins, bovins, équins) disposeront automatiquement d’un droit à tuer le loup. Plutôt que de demander une autorisation préalable, elles et ils devront désormais simplement déclarer l’animal abattu auprès des services de l’État.
«Si ce n’est pas de la chasse, expliquez-moi ce que c’est !»
Parmi les différentes annonces du GNL, cette nouvelle ligne directrice est «la plus révolutionnaire», de l’aveu même du préfet Jean-Paul Celet, en charge du plan national d’actions (PNA) sur le loup : «Ce passage d’une autorisation dérogatoire à une déclaration aura un effet de simplification, mais aussi un effet de rapidité dans la réaction quand les attaques commencent», a-t-il détaillé mardi dans les colonnes du Monde.
Éleveur de brebis en charge du dossier prédation au sein de la Fédération nationale ovine (FNO), Claude Font salue une «avancée importante avec l’amélioration du protocole de tirs». Ce passage à un régime de déclaration «signifie aussi qu’il ne sera plus nécessaire de mettre en place au préalable des mesures de protection [chiens de bergers ou clôtures, NDLR] pour pouvoir défendre de son troupeau», complète-t-il.
Dans un communiqué commun, publié dès lundi, plusieurs associations de protection de la nature (France nature environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux, le WWF…) dénoncent ce nouveau système déclaratif, qui «ne [repose] plus sur aucune conditionnalité : pas de nécessité de protection des troupeaux, pas de prise en compte du niveau des dommages…»
«C’est simple, l’État ouvre la chasse au loup», fustige auprès de Vert Thierry Ruf, porte-parole de l’Association de protection des animaux sauvages (Aspas). «Sur du simple déclaratif, tous les éleveurs qui le souhaitent pourront mandater des chasseurs sans que leur troupeau ne soit protégé, détaille-t-il. Sachant qu’aujourd’hui on a déjà le droit d’avoir deux tireurs par lot de dix moutons : si ce n’est pas de la chasse, expliquez-moi ce que c’est !»
Vers de nouvelles évolutions de la gestion du loup
Les associations environnementales – qui boycottent le GNL depuis septembre 2023 et la présentation d’un nouveau plan national d’actions sur le loup jugé «déséquilibré» – s’inquiètent également d’une réduction des sanctions en cas de destruction illégale de loups : ces «délits lourdement sanctionnés s’agissant d’une espèce protégée pourraient relever demain de simples contraventions pour “atteinte non intentionnelle”», assurent-elles – sans que la mesure ne fasse pour l’instant partie des annonces de l’État.
Parmi d’autres nouveautés sur les méthodes de clôture de protection ou d’indemnisation des pertes des éleveur·ses, l’État a également réaffirmé son «encadrement strict de l’usage des lunettes de tir à visée thermique» – réservées aux louvetier·es professionnel·les pour tirer le prédateur de nuit. «N’importe qui peut acheter un monoculaire à vision thermique sur Internet et le fixer à sa lunette», s’inquiète Thierry Ruf, qui alerte sur un «problème de sécurité publique».
Dans son communiqué, la préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes indique également qu’elle conservera le «plafond de destructions national» de 19% de la population estimée de loups gris en France. Face à la hausse du nombre d’attaques en 2025 – de l’ordre de 25%, mais «principalement dans les territoires en zone d’expansion du loup» –, l’éleveur de brebis Claude Font regrette un taux de prélèvements «insuffisant au regard de la pression réelle subie par les éleveurs». La Fédération nationale ovine appelle notamment à baser le nombre annuel d’abattages autorisés sur la prédation réelle dans les territoires plutôt que sur l’évolution du nombre de loups.
Cette réforme de la gestion du prédateur en France intervient quelques mois après l’entrée en vigueur du déclassement du niveau de protection de l’animal dans l’Union européenne – il est passé d’espèce «strictement protégée» à «protégée» (notre article). En juillet dernier, Emmanuel Macron avait plaidé pour empêcher l’implantation du loup là «où il y a du pastoralisme», permettant de «le prélever davantage» – des propos qui, déjà, avaient été pris comme une «[déclaration] de guerre aux loups» par les associations de défense du canidé.
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