Les puits s’en vont. Des scientifiques ont cartographié certains immenses réservoirs de CO2, dont la régénération – s’ils étaient détruits – serait trop lente pour empêcher les pires effets de la crise climatique.
Pour enrayer l’emballement du climat, l’humanité a deux principaux leviers : cesser de brûler des combustibles fossiles, qui relâchent l’essentiel du dioxyde de carbone d’origine humaine dans l’atmosphère ; protéger les espaces naturels qui absorbent une large part de ces émissions.
Parmi eux, il existe des écosystèmes qui stockent davantage de carbone que tout autre : les forêts les plus anciennes, les mangroves ou les tourbières. Mais ces formidables « puits de carbone » sont menacés par les activités humaines.
Comme le raconte leur étude, parue jeudi dans Nature sustainability, des scientifiques ont identifié des « espaces naturels que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre en raison de leurs stocks de carbone irremplaçables ». En cas de destruction, leur régénération s’étalerait sur plusieurs siècles, un temps incompatible avec l’objectif désormais général à travers la planète, d’atteindre la neutralité carbone vers 2050. A ce moment-là, le CO2 encore émis devra être intégralement compensé.
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Sans surprise, ces puits de carbone « irrécupérable » se situent dans les vastes régions forestières que sont le bassin du Congo, l’ouest de l’Amazonie, le nord de la côte Pacifique américaine, la Sibérie, ainsi qu’une partie de l’Océanie et de l’Asie du sud-est (Australie, Indonésie).
Depuis 2010, l’agriculture, le bûcheronnage et les incendies ont causé l’émission de 4 milliards de tonnes (gigatonnes) de CO2 « irrécupérable », notent les scientifiques. L’équivalent de dix années d’émissions de la France. Au total, la planète en recèlerait entre 139 et 443 gigatonnes. La moitié est concentrée sur 3,3% de la surface terrestre. Et un tiers est contenu dans des aires gérées par des communautés autochtones, dont le rôle de gardien·nes est essentiel, indiquent les auteur·rices de l’étude. La moitié du carbone « irrécupérable » est stocké dans des aires protégées, mais l’ajout de seulement 5,4% de la surface terrestre parmi celles-ci permettrait d’en sécuriser 75%.