Chronique

«Les enfants de l’apocalypse», ou comment faire grandir de petits humains dans un monde en déroute

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Grand dire. Dans son livre Les enfants de l’apocalypse, faire des mômes n’empêche pas d’être écolo, l’autrice et journaliste Charlotte Meyer s’est invitée chez des parents qui vivent différemment pour offrir un autre monde à leurs enfants. Vert l’a rencontrée.

Charlotte Meyer pose son constat, lapidaire, dès l’introduction : «Aujourd’hui, notre génération ne se demande pas si elle peut enfanter face à un avenir incertain. Elle se demande si faire naître l’espoir est encore possible quand le futur n’existe pas.»

Les enfants de l’apocalypse, faire des mômes n’empêche pas d’être écolo est le fruit d’un voyage initiatique de trois ans, dont une année entière d’itinérance, pendant laquelle l’autrice de 26 ans est allée à la rencontre de familles hors normes, qui ont fait des choix radicaux pour offrir à leurs enfants un monde aligné avec leurs valeurs.

Les enfants de l’apocalypse, faire des mômes n’empêche pas d’être écolo, de Charlotte Meyer, Tana éditions, janvier 2025, 224 pages, 18,90 €.

Une aventure personnelle et journalistique pour Charlotte Meyer, qu’un ingrédient imprévu est venu nourrir : «Au départ, je suis partie faire un livre sur les alternatives locales en France, sans angle précis. Et puis je suis tombée enceinte, alors que j’avais tiré un trait sur la maternité, en grande partie à cause du changement climatique», rembobine pour Vert cette journaliste spécialiste des questions environnementales.

«Je me suis rendue compte que si j’avortais, j’allais être profondément malheureuse»

Après avoir pris rendez-vous pour avorter, le doute s’installe : «Je me suis rendu compte que j’allais être profondément malheureuse. Je sentais mon corps changer, j’avais envie d’avoir ce bébé, c’était un vrai déchirement.»

Elle décide finalement de le garder, avec la ferme volonté que l’enfant «prenne toute sa part dans cette lutte, avec un mode de vie encore plus ancré dans mes convictions. Je me suis dit qu’il y avait certainement des familles qui faisaient déjà ça, et d’autres qui se questionnaient.» Elle décide donc d’aller «à la rencontre des premières pour informer les secondes».

Il en ressort un livre éclairant et fourni – 56 personnes ont été interviewées -, mêlant témoignages, reportages et analyse plus globale. On plonge avec joie dans la vie de ces familles qui ont décidé de s’éloigner du bruit des humains pour écouter celui de la nature. Comme Delphine et Gurun, chez qui Charlotte Meyer s’est installée trois mois, et qui élèvent leur enfant Melwenn dans un écovillage au cœur de la forêt de Brocéliande, en Bretagne.

Delphine (à gauche) et Charlotte Meyer, au coeur de la forêt de Brocéliande, en Bretagne. © François Le Terrien

C’est dans leur «paillourte», petite maison ronde faite uniquement de matériaux naturels bruts, qu’est né Melwenn. Un accouchement à domicile comme premier acte d’une existence en harmonie avec son environnement. Delphine en est convaincue, «les premières odeurs, la première vision, c’est important». À deux ans, Melwenn attrape «les mûres du jardin depuis sa poussette», sait se servir d’une scie et d’une perceuse. 

Delphine et Gurun vivent dans une paillourte, petite maison ronde faite uniquement de matériaux naturels bruts. © François Le Terrien

Découpé en trois volets – «Naitre», «Recevoir» et «Agir» -, le livre aborde les questions de la petite enfance (portage, cododo, allaitement long à la demande) avant de se pencher sur le très riche sujet de la transmission. Instruction à domicile, philosophie Montessori, on découvre dans ce «voyage en école buissonnière» que le système a parfois du mal à accepter que l’on fasse sans lui. Jusqu’à envoyer les gendarmes.

Paris, lundi 20 janvier 2025. Charlotte Meyer était de passage dans la capitale pour présenter son livre. © Rémy Calland/Vert 

Par ailleurs rédactrice en cheffe de Combat, média axé sur les luttes et les alternatives, Charlotte Meyer nous emmène aussi au cœur de la lutte. Elle brosse le portrait d’Alicia, rencontrée sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, qui emmène sa fille partout, «y compris dans sa vie militante». Ou celui de Diane, qui a participé à importer en France le mouvement Mothers’ rebellion for climate justice (La rébellion des mères pour la justice climatique).

Dans un récit d’une grande fluidité, l’autrice met en lumière des invisibles, des modes de vie et des manières de faire que le monde médiatique expose peu. Chacun·e pourra y piocher, ici ou là, une inspiration ou une envie de faire autrement. Et garder en tête que d’autres imaginaires sont possibles, dans une certaine idée de la sobriété heureuse.

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