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Le Parlement européen valide la réforme du marché carbone et avance vers la neutralité carbone

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Marchez, cabrón ! Mar­di, les eurodéputé·es ont voté cinq textes-clés pour réformer le marché car­bone et attein­dre les objec­tifs cli­ma­tiques européens. Des élu·es français·es craig­nent que la réforme n’entraîne un phénomène com­pa­ra­ble aux Gilets jaunes au niveau de l’Europe.

«Ensem­ble, nous allons faire de l’Europe le pre­mier con­ti­nent neu­tre cli­ma­tique­ment», s’est réjouie la prési­dente de la Com­mis­sion européenne, Ursu­la von der Leyen, ce mar­di. À une large majorité, le Par­lement a validé cinq textes majeurs du paquet cli­mat, aus­si appelé «Fit for 55». Présen­té en 2021 par la Com­mis­sion (notre arti­cle), ce plan vise à réduire les émis­sions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’au moins 55% en 2030 par rap­port à 1990 afin d’atteindre la neu­tral­ité car­bone (l’équilibre entre le CO2 émis et celui qui est stocké) à hori­zon 2050.

Les eurodéputé·es ont d’abord entériné la réforme du sys­tème d’échange de quo­tas d’émission, appelé le «marché car­bone» : les indus­tries les plus émet­tri­ces (élec­tric­ité, sidérurgie, ciment, alu­mini­um, etc) y achè­tent et vendent des «droits à pol­luer», qui sont de moins en moins disponibles au fil des années. Les ambi­tions du marché car­bone ont été rehaussées : les émis­sions des secteurs con­cernés devront avoir chuté de 62% en 2030 par rap­port à 2005 (con­tre ‑43% ini­tiale­ment). Son périmètre sera égale­ment élar­gi aux émis­sions du secteur mar­itime et le secteur de l’aviation ver­ra ses quo­tas gra­tu­its sup­primés d’ici 2026. Plus glob­ale­ment, les quo­tas accordés gra­tu­ite­ment à divers entre­pris­es pour ne pas frag­ilis­er leur com­péti­tiv­ité seront élim­inés entre 2026 et 2034.

Un sec­ond marché car­bone («ETS 2») s’appliquera au trans­port routi­er (les car­bu­rants) et les bâti­ments (le chauffage). Il touchera ain­si les ménages au porte-mon­naie. Le prix du car­bone sera fixé à 45 euros la tonne de CO2 et sera mis en place dès 2027 — voire 2028 «si les prix de l’énergie sont excep­tion­nelle­ment élevés», prévoit le texte.

Si ce texte a été large­ment adop­té, la gauche française a fait office d’exception. Les élu·es français·es des groupes Verts et de la gauche ont refusé de vot­er ce dis­posi­tif qui pèsera sur les par­ti­c­uliers, pointant la néces­sité d’allier jus­tice sociale et cli­ma­tique. «C’est la meilleure manière de voir sur­gir des Gilets jaunes sur les ronds-points européens», a réa­gi la délé­ga­tion insoumise au Par­lement. «Vouloir sauver la planète ne peut pas se faire au détri­ment des plus dému­nis», estime Damien Carême, eurodéputé français EELV, pour qui le texte est «une bombe sociale à retarde­ment».

Pour «garan­tir que la tran­si­tion cli­ma­tique sera équitable et sociale­ment inclu­sive», les eurodéputé·es ont validé la créa­tion d’un Fonds social pour le cli­mat (FSC) dès 2026. Doté de 86,7 mil­liards d’euros, il devra accom­pa­g­n­er les petites entre­pris­es et les ménages vul­nérables dans leur tran­si­tion. Il sera en par­tie financé par la créa­tion du sec­ond marché car­bone.

Enfin, la mise en place d’un mécan­isme d’ajustement car­bone (MACF), autrement dit une taxe car­bone à la fron­tière de l’Union européenne, a aus­si été validée. Ce dis­posi­tif inédit tax­era les pro­duits importés s’ils ne respectent pas les critères envi­ron­nemen­taux européens. Con­crète­ment, les impor­ta­teurs des pro­duits con­cernés (élec­tric­ité, engrais, aci­er, fer, ciment, etc) devront pay­er la dif­férence entre le prix du car­bone dans le pays de pro­duc­tion et le prix des «droits à pol­luer» européens. Cette taxe per­me­t­tra de lut­ter con­tre toute con­cur­rence déloyale de pays qui ne seraient pas soumis à des poli­tiques envi­ron­nemen­tales aus­si strictes.

Dernière étape du chem­ine­ment lég­is­latif : les textes doivent être offi­cielle­ment approu­vés par le Con­seil, qui représente les gou­verne­ments des États mem­bres, ce qui devrait être une sim­ple for­mal­ité. Il entreront en vigueur 20 jours après leur pub­li­ca­tion au Jour­nal offi­ciel de l’UE.