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Le Parlement européen refuse d’interdire la pratique destructrice du chalutage de fond dans les aires marines protégées

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Les lob­bies ont la pêche. Mar­di 3 mai, les eurodéputé·es ont écarté la propo­si­tion d’une élue verte, Car­o­line Roose, qui visait à inter­dire le cha­lu­tage de fond dans les aires marines pro­tégées.

C’est une nou­velle occa­sion man­quée de ren­forcer la pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité marine qui s’est jouée ce mar­di, lors d’un vote en séance plénière au Par­lement européen. 319 eurodéputé·es ont voté con­tre l’amendement déposé par Car­o­line Roose, tan­dis que 280 ont voté pour et 35 se sont abstenu·es. L’élue écol­o­giste pro­po­sait d’interdire le cha­lu­tage de fond dans les aires marines pro­tégées (AMP). Cette tech­nique de pêche, qui con­siste à racler le planch­er océanique avec de lourds filets, est très con­tro­ver­sée, car elle est non sélec­tive et abîme large­ment les habi­tats marins tra­ver­sés.

Con­traire­ment à ce que leur appel­la­tion laisse enten­dre, les aires marines pro­tégées ne sont soumis­es qu’à peu de restric­tions. Elles sont pen­sées comme des espaces de cohab­i­ta­tion entre toutes sortes d’activités telles que le tourisme, le trans­port et la pêche — y com­pris indus­trielle. Une étude pub­liée dans la revue Sci­ence en 2018 relatait que le cha­lu­tage était 1,4 fois plus intense au sein des aires marines pro­tégées en Europe qu’à l’extérieur. D’ici 2030, 30% des eaux européennes devront être pro­tégées, selon la stratégie adop­tée par la Com­mis­sion. Aujourd’hui, seul 1% des espaces marins européens sont placés en pro­tec­tion « stricte », bien loin des 10% visés par Brux­elles pour la fin de la décen­nie.

Pour con­tr­er la demande d’interdiction portée par Car­o­line Roose, jugée trop ambitieuse, l’eurodéputé macro­niste (du groupe Renew Europe) et prési­dent de la com­mis­sion « pêche » du Par­lement européen Pierre Kar­le­skind a pro­posé un amende­ment alter­natif aux con­tours flous. Sa solu­tion, van­tée comme plus « prag­ma­tique » : inter­dire « l’utilisation de tech­niques nuis­i­bles dans les aires marines stricte­ment pro­tégées, en suiv­ant les meilleurs avis sci­en­tifiques disponibles ». C’est finale­ment cet amende­ment qui a été adop­té au Par­lement dans le cadre du rap­port d’initiative sur l’économie bleue. Le texte n’introduit aucune oblig­a­tion lég­isla­tive, mais il pour­ra servir de sup­port à la Com­mis­sion européenne pour rédi­ger une loi.

« Les con­ser­va­teurs et une par­tie des libéraux se rangent du côté des lob­bies de la pêche indus­trielle plutôt que des océans et du cli­mat », a regret­té l’eurodéputée française Marie Tou­s­saint. De son côté, Claire Nou­vian, fon­da­trice de l’association de pro­tec­tion des océans Bloom, a dénon­cé le « sab­o­tage » opéré par le groupe LREM pour saper les ambi­tions européennes de pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité. Sur Twit­ter, l’activiste a fustigé l’hypocrisie du Prési­dent nou­velle­ment réélu : « Donc c’est clair, Emmanuel Macron : votre “nation écologique” est une impos­ture ».