Tribune

«Le long du tracé de l’A69, la liberté de la presse n’est pas garantie»

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Depuis plusieurs semaines, les militant·es perché·es sur des arbres pour empêch­er la con­struc­tion de l’au­toroute A69 entre Toulouse et Cas­tres font l’ob­jet de mul­ti­ples atteintes aux droits humains, selon un rap­por­teur spé­cial des Nations unies. Une sit­u­a­tion que peinent à doc­u­menter les jour­nal­istes, vic­times d’en­trav­es de la part des forces de l’or­dre dénon­cées par les jour­nal­istes sig­nataires de la Charte pour un jour­nal­isme à la hau­teur de l’ur­gence écologique, dont celles et ceux de Vert.

«La mis­sion d’in­for­ma­tion menée par les jour­nal­istes est un bien pré­cieux et néces­saire dans une démoc­ra­tie. À ce titre, le rap­por­teur spé­cial des Nations unies sur les défenseurs de l’en­vi­ron­nement, Michel Forst, a demandé le 29 févri­er à ce que le tra­vail de la presse soit facil­ité sur le site occupé par les opposants au pro­jet de l’au­toroute A69.

A l’is­sue de sa vis­ite sur le lieu de la mobil­i­sa­tion, à Saïx, dans le Tarn, le rap­por­teur des Nations unies a pointé plusieurs atteintes aux droits de l’homme : inter­dic­tion de rav­i­taille­ment en nour­ri­t­ure, entrav­es à l’ac­cès à l’eau potable, pri­va­tion délibérée de som­meil des mil­i­tants par des mem­bres des forces de l’or­dre.

Et cela, loin du regard des jour­nal­istes, non autorisés à se ren­dre sur ce point névral­gique de la con­tes­ta­tion.

«Lors de ma vis­ite, j’ai pu con­stater que la presse et les mem­bres de l’Observatoire toulou­sain des Pra­tiques Poli­cières étaient tenus à une dis­tance impor­tante du site de la «Crem’Arbre», dans une zone avec une vis­i­bil­ité extrême­ment lim­itée», a‑t-il dénon­cé dans sa déc­la­ra­tion de fin de mis­sion

À ce titre, il demande aux autorités français­es de faciliter le tra­vail de la presse et des obser­va­teurs, con­for­mé­ment aux oblig­a­tions inter­na­tionales de la France. Et ce, «sans restric­tion dis­pro­por­tion­née, y com­pris en délim­i­tant stricte­ment, claire­ment et de la manière la plus lim­itée pos­si­ble toute zone où ils ne sont pas autorisés à accéder lors des opéra­tions de police judi­ci­aire».

Les con­stats du rap­por­teur spé­cial des Nations Unies avaient déjà été remon­tés par cer­taines équipes de jour­nal­istes français, comme celles de France 3 Occ­i­tanie qui subis­sent des entrav­es impor­tantes à leur tra­vail : four­gons garés devant les caméras, jour­nal­istes filmés par les forces de l’ordre, cartes de presse pho­tographiées, intim­i­da­tions. Des pra­tiques déjà ren­con­trées, il y a 9 ans, dans le nord du Tarn sur la Zone à défendre (Zad) de Sivens.

«Depuis plus d’un an, les jour­nal­istes de France 3 subis­sent des intim­i­da­tions de la part de la gen­darmerie sur tous les sujets afférant à l’A69. Depuis 15 jours, ces pres­sions sont con­tin­ues et s’ac­centuent avec une entrave à la cir­cu­la­tion, des chan­tages divers. La pré­fec­ture du Tarn alertée à plusieurs repris­es n’a pas résolu le prob­lème de manière durable, il faut quo­ti­di­en­nement qué­man­der des autori­sa­tions pour exercer notre méti­er», dénonce David Bobin, jour­nal­iste pour France 3 Tarn.

Sur la ZAD de la Crem’Arbre, et le long du tracé de l’A69, la lib­erté de la presse n’est pas garantie.

Or, elle est l’un des principes fon­da­men­taux des sys­tèmes démoc­ra­tiques qui repose sur la lib­erté d’opin­ion et la lib­erté d’ex­pres­sion. Cette sit­u­a­tion va donc à l’encontre de l’article 19 de la Déc­la­ra­tion uni­verselle des droits de l’homme.

Alors que les audi­tions de la com­mis­sion d’en­quête par­lemen­taire sur la con­struc­tion de l’A69 ont débuté, cette entrave à la lib­erté de la presse est extrême­ment préoc­cu­pante.

Pour un débat démoc­ra­tique sain et éclairé, il est essen­tiel qu’un tra­vail jour­nal­is­tique puisse faire la lumière sur les intérêts en jeu, les dom­mages causés à l’en­vi­ron­nement et les con­séquences sociales et économiques de ce pro­jet d’au­toroute.

Comme le rap­pelle le point 7 de la Charte pour un jour­nal­isme à la hau­teur de l’ur­gence écologique, «cer­tains intérêts économiques et poli­tiques œuvrent active­ment à la con­struc­tion de pro­pos qui trompent la com­préhen­sion des sujets et retar­dent l’action néces­saire pour affron­ter les boule­verse­ments en cours».

Aus­si, nous, jour­nal­istes sig­nataires de ce texte, deman­dons aux autorités de nous laiss­er exercer en toute lib­erté notre mis­sion d’in­former autour de l’au­toroute A69.»

Pre­miers sig­nataires :

Louise AUDIBERT
Char­lotte GIORGI
Hélène SEINGIER
Marie-Adélaïde SCIGACZ
Bap­tiste DECHARME
Vir­ginie VALADAS
Chris­tel LECA
Ari­ane DELEPIERRE
Julien DEZECOT
Alban LEDUC
Jean-Jacques FRESKO
Olivi­er PERROT
Ariel GOMEZ
Françoise VALLET
Xavier BENOIT
Philippe LESAFFRE
Gabriel SIMÉON
Nadine FRANJUS
Marc GIRAUD
Emi­lie PETIT
Véronique REBEYROTTE
Claire LECOEUVRE
Ahamed-Miki­dache HOUMI
Nico­las BEUBLET
Romain AMICHAUD
Aurélie DELMAS
Lau­rie DEBOVE
Lau­rence SERFATY
David RICHARD
Solène LEROUX
Olivi­er MONTÉGUT
Béa­trice HERAUD
Emmanuel CLÉVENOT
Claire MARQUIS
Pauline CHAMBOST
Gaëlle CLOAREC
Fan­ny COSTES
Géral­dine HOUOT
Juli­ette QUEF
Pas­cal FAUCOMPRE
Alexan­drine CIVARD-RACINAIS
Mar­tin BRODZICKI
Anne-Sophie NOVEL
Pas­cale D’ERM
Hervé KEMPF
Loup ESPARGILIERE