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Le Conseil de l’Union européenne acte la sortie du Traité sur la charte de l’énergie

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Traité de tous les noms. Les 27 ont validé leur retrait de cet accord inter­na­tion­al, qui per­met aux com­pag­nies fos­siles d’attaquer en jus­tice des États dont les poli­tiques — notam­ment cli­ma­tiques — seraient con­traires à leurs intérêts.

«Vic­toire !», s’est réjouie Marie-Pierre Vedrenne, eurodéputée et prési­dente de la délé­ga­tion Renais­sance au Par­lement européen. Jeu­di, les 27 États mem­bres de l’UE ont offi­cielle­ment acté le retrait coor­don­né du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Une déci­sion qui inter­vient à l’issue d’une mobil­i­sa­tion de longue date con­tre ce traité jugé obsolète.

Signé en 1994, après la fin de la Guerre froide, le TCE avait pour but de pro­téger les investis­seurs du secteur de l’énergie en leur per­me­t­tant d’attaquer en jus­tice les États sig­nataires qui prendraient des déci­sions con­traires à leurs intérêts économiques. À l’époque, c’était une manière de ras­sur­er les com­pag­nies fos­siles vis-à-vis des risques d’instabilité géopoli­tique. Mais, peu à peu, ce traité est devenu une arme de l’industrie pétrogaz­ière pour dis­suad­er l’adoption de mesures cli­ma­tiques ambitieuses ou réclamer des dédom­mage­ments colos­saux.

Par exem­ple, en 2021, les entre­pris­es Uniper et RWE ont réclamé quelque 2,4 mil­liards d’euros de com­pen­sa­tion aux Pays-Bas pour avoir prévu de ban­nir le char­bon d’ici à 2030. La pre­mière s’est rétrac­tée et la demande de la deux­ième a finale­ment été con­sid­érée irrecev­able. L’Italie, en revanche, a été con­damnée en 2022 à un dédom­mage­ment de près de 200 mil­lions d’euros en faveur du pétroli­er bri­tan­nique Rock­hop­per, après lui avoir refusé l’exploitation d’un gise­ment off­shore.

Voilà plusieurs années que les 53 sig­nataires du traité avaient pour pro­jet de mod­erniser le texte, notam­ment pour en exclure les nou­veaux investisse­ments fos­siles. Mais en 2022, alors que les négo­ci­a­tions étaient au point mort, une petite dizaine d’États, dont la France (notre arti­cle), ont annon­cé leur souhait d’en sor­tir. En juil­let 2023, la Com­mis­sion européenne a pro­posé un retrait coor­don­né des mem­bres de l’UE et d’Euratom (la Com­mu­nauté européenne de l’én­ergie atom­ique). Une ini­tia­tive validée par les Vingt-Sept ce jeu­di, qui devra encore être approu­vée par les eurodéputé·es avant que la sor­tie défini­tive du traité ne soit actée.

La pru­dence reste de mise face à la «clause de survie» du TCE, qui prévoit que les pays sig­nataires puis­sent être visés par des lit­iges jusqu’à 20 ans après leur retrait du texte. En octo­bre 2022, le Haut con­seil pour le cli­mat sug­gérait un retrait coor­don­né de la France et de l’UE asso­cié à la neu­tral­i­sa­tion de cette clause de survie, l’option «la moins risquée pour per­me­t­tre l’atteinte des objec­tifs cli­ma­tiques».

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Adobe Stock