Des billets verts. Mercredi, les organisations de l’Affaire du siècle ont officiellement demandé une astreinte financière d’un milliard d’euros à l’État pour qu’il répare son inaction climatique.
«L’inaction climatique a un coût ! C’est pourquoi nous demandons un milliard d’euros, pour forcer l’État à agir», ont revendiqué les trois organisations de l’Affaire du siècle (Notre affaire à tous, Oxfam et Greenpeace) après avoir déposé leur requête d’astreinte au tribunal administratif de Paris mercredi. Les associations réclament aussi que le tribunal exige de l’État la mise en place de mesures supplémentaires et structurelles pour réduire les émissions, ainsi que la mise à disposition de documents qui justifient l’action du gouvernement.
Après avoir récolté plus de 2,3 millions de signatures de soutien, l’Affaire du siècle a fait condamner l’État pour inaction climatique en 2021. Le tribunal administratif de Paris avait alors enjoint le gouvernement à réparer ce préjudice d’ici à la fin 2022 en prenant toutes les mesures nécessaires pour compenser les excès d’émissions de gaz à effet de serre commis entre 2015 et 2018 (notre article). À cette échéance, les associations à l’origine de la procédure ont dressé un bilan peu réjouissant, estimant que l’État n’était pas en mesure de prouver l’efficacité de son action climatique. Elles avaient alors prévenu qu’elles saisiraient à nouveau la justice pour réclamer une astreinte financière (Vert).
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«On ne dit pas que l’État ne fait rien, on constate qu’il fait des choses, et aussi que les émissions ont baissé. Par contre, on constate aussi que la baisse des émissions est conjoncturelle et n’est pas liée à l’action de l’État», explique Elise Naccarato, responsable de campagne climat chez Oxfam, évoquant l’hiver doux ou l’augmentation du prix de l’énergie exacerbée par la guerre en Ukraine. «On ne peut pas parier chaque année sur une nouvelle guerre ou un nouveau Covid pour faire baisser les émissions.»
Le montant réclamé a été fixé sur la base de la méthode dite «Quinet», qui détermine «la valeur d’une tonne CO2e évitée à prendre en compte dans les décisions de l’ensemble des acteurs économiques pour que la France atteigne la neutralité carbone à l’horizon 2050», d’après un rapport d’Alain Quinet en 2019. La valeur de la tonne de CO2 évitée représente ainsi celle de l’action pour le climat. Sur cette base, il a été calculé que chaque semestre d’inaction par rapport aux surplus d’émissions représente 122,5 millions d’euros, soit un peu plus d’1,1 milliard depuis fin 2018.
Cette astreinte, ou pénalité de retard, forcerait l’État à mobiliser les fonds nécessaires pour réparer son inaction et répondre aux demandes du tribunal. L’Affaire du siècle suggère certaines mesures concrètes pour que la France respecte ses objectifs climatiques, dont la réécriture de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC, la feuille de route climatique de l’État) «en y intégrant le rattrapage du retard pris», la réduction des émissions du secteur des transports de 6% et de celui du bâtiment de 3%, ou encore le développement de l’agriculture biologique.
Les organisations requérantes attendent désormais de savoir si le tribunal administratif fixera une audience dans les mois à venir afin d’accepter, ou non, l’astreinte financière. Une décision qui marquerait «une victoire inédite pour le climat», selon l’Affaire du siècle. «On espère vraiment que cette procédure juridique fasse bouger le gouvernement et mette en avant le fait que le coût de l’inaction est plus important que celui de l’action», plaide Elise Naccarato. À une toute autre échelle, le Conseil d’État a déjà condamné l’État en 2021 et 2022 à trois astreintes de dix millions d’euros par semestre de retard pour son non-respect des seuils de pollution de l’air.