Mauvaises herbes. Faute d’accord entre les pays membres, la Commission européenne vient de renouveler pour dix ans l’autorisation de commercialisation du glyphosate au sein de l’Union européenne, faisant fi des nombreuses alertes scientifiques et de la mobilisation citoyenne.
L’abstention de la France aura pesé lourd. Après un nouvel échec ce jeudi matin des 27 États membres à se prononcer pour ou contre la réautorisation du glyphosate, la Commission européenne a décidé de renouveler son autorisation à commercialiser l’herbicide jusqu’en 2033. «La Commission, en collaboration avec les États membres de l’UE, va maintenant procéder au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions», précise le communiqué de la Commission.
«L’Union européenne avait le choix entre protéger ou empoisonner. Le vote de ce matin envoie un signal alarmant à quelques mois des prochaines élections européennes. La vraie question qui doit nous occuper étant : que veut-on faire avec le Pacte Vert ? Veut-on poursuivre la politique de transition engagée ou non ?», s’interroge l’eurodéputée Marie Toussaint (EELV).
La consultation sur la réautorisation du glyphosate se sera déroulée en deux temps : le 13 octobre dernier, lors d’un premier vote des Etats, la majorité qualifiée nécessaire à l’adoption de la proposition de la Commission européenne n’avait pas été atteinte. Pour obtenir une majorité qualifiée, il faut rassembler les votes d’au moins 15 États membres représentant 65% de la population de l’UE (qui compte 447 millions d’habitant·es). L’Allemagne (avec ses 83 millions d’habitant·es) et la France (avec ses presque 68 millions d’habitant·es) s’étaient abstenues lors du premier vote.
En Allemagne, où les Verts pilotent le ministère de l’agriculture, la coalition gouvernementale d’Olaf Scholz a indiqué que le glyphosate serait retiré du marché allemand d’ici à la fin de l’année. Mais ce jeudi, Berlin a finalement choisi de s’abstenir, comme la France. À la vieille du vote, le ministre de l’agriculture Marc Fesneau avait estimé qu’une interdiction totale de l’herbicide n’était pas possible tant que des alternatives n’existaient pas.
«On ne peut pas dire que des alternatives n’existent pas ; les scientifiques travaillent de longue date en ce sens, notamment du côté de Inrae [l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, ndlr] et nombre d’agriculteurs innovent, souligne Martin Dermine de l’association Pesticide Action Network Europe à Vert. Ce renouvellement met en lumière l’influence des lobbies de l’agrochimie et de puissants syndicats agricoles sur les orientations d’États membres comme la France.»
Depuis 2015 et le classement de l’herbicide comme «probable cancérogène», les études se sont multipliées entraînant une mobilisation citoyenne grandissante contre l’usage du glyphosate. Des travaux scientifiques conduits in vitro, mais également sur des cohortes humaines, ont mis en lumière sa dangerosité pour la santé humaine. Quant aux effets sur l’environnement, ils sont précisément documentés depuis des années (notre article).
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