Décryptage

La maison individuelle : un rêve à oublier ?

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Laisse béton. C’est le rêve d’une large majorité de Français·es. Pour­tant, la mai­son avec jardin n’est sou­vent pas com­pat­i­ble avec les exi­gences de sobriété et de lutte con­tre l’artificialisation des sols.

Les sénateur·ices exam­i­nent à par­tir d’aujourd’hui une propo­si­tion de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objec­tifs de «zéro arti­fi­cial­i­sa­tion nette» (ZAN) intro­duits par la loi Cli­mat et résilience. Le pays s’est promis de divis­er par deux le rythme d’artificialisation en dix ans (2021–2031) avant d’atteindre le fameux ZAN en 2050 (via la renat­u­ra­tion d’espaces arti­fi­cial­isés pour com­penser les nou­velles con­struc­tions par exem­ple). Mais les élu·es font face à une pres­sion impor­tante devant le rêve de beau­coup de Français·es. Alors que les maisons indi­vidu­elles représen­tent déjà 55% du parc de loge­ment, plus de 75% de la pop­u­la­tion y aspire.

Or, ce rêve de plain-pied par­ticipe large­ment à l’effondrement de la bio­di­ver­sité et au réchauf­fe­ment cli­ma­tique. L’habitat a représen­té 68% des nou­velles arti­fi­cial­i­sa­tions entre 2009 et 2018, dont la qua­si total­ité est con­sti­tué de mai­son indi­vidu­elles, estime le Céré­ma. Rien qu’en 2017, c’est l’équivalent de la ville de Mar­seille (23 900 hectares) qui a été grig­noté sur les sols naturels et agri­coles.

Sou­vent moins chères à con­stru­ire, les maisons indi­vidu­elles néces­si­tent beau­coup plus de matéri­aux que la réno­va­tion ou que les loge­ments col­lec­tifs qui béné­fi­cient d’importantes économies d’échelle (un seul toit, une seule dalle de fon­da­tion, etc). En out­re, elles sont de plus en plus grandes : selon l’Insee, la sur­face moyenne des loge­ments est passée de 77m² à 90m² entre 1978 et 2000 du seul fait des maisons indi­vidu­elles. La super­fi­cie des apparte­ments, elle, est restée qua­si­ment sta­ble.

Ces sur­faces doivent ensuite être chauf­fées et éclairées, ce qui aug­mente encore la fac­ture énergé­tique (et donc cli­ma­tique) de l’habitat indi­vidu­el. Sans compter que les maisons indi­vidu­elles affichent de moins bonnes per­for­mances énergé­tiques que le col­lec­tif. Selon l’Agence de la tran­si­tion écologique (l’Ademe), 45% sont notées E, F ou G (les pires scores en la matière) alors que cela ne con­cerne « que » 35% des apparte­ments en habi­tat col­lec­tif.

Enfin, le calme des zones péri-urbaines ou rurales se paie sou­vent par une dépen­dance accrue à la voiture indi­vidu­elle, pour réalis­er des tra­jets de plus en en plus longs. On estime que 75 % des act­ifs utilisent leur voiture (hors cov­oiturage ou autopartage) pour se ren­dre à leur tra­vail mais ce chiffre grimpe à 89% pour les ruraux et 87% pour les péri­ur­bains, selon un sondage réal­isé par Vin­ci Autoroutes. En pleine envolée des prix à la pompe, ce phénomène fait égale­ment peser le risque d’être touchés par la une pré­car­ité en matière de mobil­ité.