La justice française a prononcé un non-lieu dans l’affaire du chlordécone, du nom de ce pesticide longtemps utilisé dans les bananeraies des Antilles alors qu’il était interdit en France métropolitaine. Les victimes devraient faire appel de cette décision.
Après 16 ans de procédures, les juges d’instruction ont décidé de prononcer un non-lieu dans l’affaire du chlordécone. En 2006, des associations martiniquaises et guadeloupéennes avaient porté plainte pour empoisonnement, mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance nuisible. Dans leur viseur : l’autorisation prolongée de ce pesticide employé contre le charançon du bananier, utilisé en jusqu’en 1993 en Martinique et en Guadeloupe alors qu’il était interdit en France métropolitaine depuis 1990 en raison de sa toxicité.
Le non-lieu avait été réclamé par le parquet de Paris dans ses réquisitions, fin novembre 2022. Dans leur décision rendue ce lundi et consultée par l’AFP, les juges du tribunal judiciaire de Paris ont reconnu que l’affaire représentait un « scandale sanitaire ». Mais elles ont estimé qu’il était difficile de prouver les faits qui datent d’au moins dix ans avant le premier dépôt de plainte. Les magistrates soulignent également l’état insuffisant des connaissances scientifiques à l’époque et l’impossibilité de juger l’affaire à partir de leur évolution a posteriori.
Des associations, collectifs d’habitant·es et élu·es ont régulièrement dénoncé un « déni de justice » dans le traitement de cette affaire. Jeudi, le syndicat agricole Confédération paysanne a fustigé un « non-lieu de la honte ».
Le chlordécone a contaminé plus de 90% de la population en Guadeloupe et en Martinique, selon Santé publique France. En 2021, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a jugé « vraisemblable » la « causalité de la relation entre l’exposition au chlordécone et le risque de survenue de cancer de la prostate », dont les Antilles détiennent le triste record de l’incidence la plus forte dans le monde. Depuis fin 2021, le cancer de la prostate lié à l’usage de pesticides, dont le chlordécone, peut être reconnu comme maladie professionnelle pour les ouvriers agricoles.
Les plaignant·es ont annoncé être prêt·es à faire appel du non-lieu prononcé. « Si la Cour d’appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu’à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue », a assuré au micro de France info Harry Durimel, avocat historique des plaignant·es et maire écologiste de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe).
Illustration : Pénélope Dickinson.
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