Outremers amers. Dans Tropiques toxiques, enquête-fleuve en bande dessinée, Jessica Oublié nous offre une plongée abyssale dans les Antilles françaises au cœur du scandale du chlordécone.
Entre 1972 et 1993, alors que sa toxicité était déjà largement connue, les cultures de banane antillaises ont été arrosées de chlordécone, un insecticide utilisé pour lutter contre le charançon. 20 ans plus tard, on décèle la présence de ce produit dans l’organisme de la totalité des habitant•e•s de Martinique et Guadeloupe, la prévalence de certaines maladies, comme les cancers de la prostate, atteint des niveaux hallucinants et les sols sont pollués pour des centaines d’années.
Comment expliquer qu’un pesticide interdit partout à travers le monde – et surtout, en métropole — en raison des graves dangers qu’il faisait peser sur l’ensemble du vivant, ait pu être autorisé pendant des années dans les Antilles ? C’est la question vertigineuse à laquelle tente de répondre Jessica Oublié au fil de plus de 200 pages illustrées par Nicola Gobbi.
A travers de nombreuses archives, récits d’audiences, témoignages de victimes, de scientifiques, d’agriculteurs ou d’acteurs institutionnels, Tropiques toxiques tente de comprendre comment des centaines de milliers de personnes ont pu être sacrifiées sur l’autel du commerce international, de la préservation des intérêts des entreprises héritées de la colonisation et de la faillite des nombreuses institutions de contrôle. Et interroge l’avenir : comment vivre une vie normale avec ce poison ?
Tropiques toxiques, Jessica Oublié et Nicola Gobbi, Steinkis, 2020, 239 pages, 22€