Chronique

La jeune femme et la mer : une bédé philosophique au cœur de la « nature » japonaise

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Avec la bande dess­inée La jeune femme et la mer, l’autrice Cather­ine Meurisse signe un con­te philosophique d’une grande beauté sur le rap­port des sociétés mod­ernes à la nature, qui men­ace autant qu’elle fascine.

« On se croirait dans un film de Miyaza­ki », s’exclame la jeune artiste française qui vient de débar­quer au Japon pour retrou­ver l’inspiration au sein d’une rési­dence d’artistes et « pein­dre la nature ». Accom­pa­g­née d’un pein­tre qui veut faire le por­trait de la mys­térieuse demoi­selle Nami, et con­fron­tée par le Tanu­ki — un esprit de la forêt de la mytholo­gie japon­aise qui ressem­ble à un raton-laveur‑, la jeune femme décon­stru­it peu à peu ses idées reçues sur une nature qu’elle idéalise. De l’étang du Miroir au vol­can qui fume, celle-ci cap­tive en même temps qu’elle est « tou­jours prête à vous sauter à la gueule ».

D’ailleurs, un typhon men­ace et dame Nami prévient : « Les hommes se pren­nent tou­jours pour des cham­pi­ons de la créa­tion comme de la destruc­tion. Par­fois, la nature leur rap­pelle qu’elle était là avant, et qu’elle sait y faire. » L’impermanence de la vie est au cœur de l’art japon­ais et des estam­pes de l’ukiyo, comme la célèbre grande vague d’Hokusaï. Mais à mesure que les humains con­stru­isent des murs anti-tsuna­mi, ils per­dent leurs réflex­es, ceux-là mêmes qui les pro­tè­gent des cat­a­stro­phes. « Notre human­ité n’est pas séparée du monde. Cha­cun est tour à tour influ­ent et respon­s­able », rap­pelle ce con­te philosophique superbe­ment illus­tré, inspiré des séjours de Cather­ine Meurisse au Japon.

La jeune femme et la mer, Cather­ine Meurisse, Dar­gaud, octo­bre 2021, 116p, 24€