Chronique

La Sauvagière : une fable initiatique enivrante qui retisse le fil entre humain et animal

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La belle et la bête. Avec La sauvagière, l’autrice et mil­i­tante Corinne Morel-Dar­leux signe un pre­mier roman onirique et puis­sant dans lequel l’héroïne-citadine apprend à vivre dans la nature et suit la piste de sa pro­pre ani­mal­ité.

Après un grave acci­dent de moto, la nar­ra­trice est trans­portée dans une cabane au creux d’un val­lon boisé. Veil­lée par Jeanne et Stel­la, sa vie prend un nou­veau tour au con­tact des saisons. Stel­la est brute, repous­sante ; Jeanne l’attire autant qu’elle la dérange lorsque, la nuit, celle-ci aban­donne ses vête­ments pour se fon­dre dans la forêt. La cabane n’a rien d’un par­adis : elle est une autre manière de vivre, moins bruyante et angois­sante que la ville, plus en phase avec le vivant. Un jour, les deux femmes ne sont plus là. Seule, elle passe l’hiver, lente­ment, près du feu. L’esprit part. La renarde vient.

« La pente était un peu raide, je devais pren­dre appui sur les racines et m’agripper aux branch­es bass­es des arbres pour pro­gress­er. Les replats étaient labourés et boueux. M’arrêtant à l’un d’eux pour repren­dre mon souf­fle, je com­pris soudain que je me trou­vais sur une souille et que des san­gliers, nom­breux, venaient s’y rouler. Je fus soudaine­ment saisie de l’idée de m’y enfouir. Un désir puis­sant soule­vait mes entrailles dans un élan archaïque. » Sans fard, sans emphase, Corinne Morel-Dar­leux nous con­te un monde-ter­ri­er où la vie et la mort, l’humain et l’animal, s’entremêlent dans une faran­dole ensor­ce­lante. Une fable onirique sur la rudesse et la beauté de celles qui tra­versent le feu.

La Sauvagière, Corinne Morel-Dar­leux, Dal­va, août 2022, 144p., 17€.