Chronique

«La ferme des Bertrand» : 50 ans de vie paysanne sur grand écran

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Vache­ment bien. Dans son nou­veau doc­u­men­taire, le réal­isa­teur Gilles Per­ret retrace la vie depuis les années 1970 d’une grande ferme laitière, pro­priété de la famille Bertrand, instal­lée au cen­tre de son vil­lage natal de Quin­cy (Haute-Savoie).

Ça bosse dur dans l’exploitation laitière des Bertrand. Très dur même. Les journées com­men­cent aux aurores, vers 5 heures du matin, avec les soins à la cen­taine de vach­es allai­tantes et à leurs veaux. Aux beaux jours, il faut aller fauch­er et ramass­er les foins sur les ter­rains pen­tus de Haute-Savoie. À cette péri­ode de l’année, le tra­vail ne s’arrête qu’à la nuit tombée et les fer­miers descen­dent rom­pus des tracteurs. Quand le froid arrive, l’activité se resserre autour des stab­ules où les vach­es passent l’hiver. Les déje­uners du midi peu­vent alors s’étirer un peu.

C’est ce quo­ti­di­en agri­cole laborieux et volon­taire que nous donne à voir le réal­isa­teur Gilles Per­ret dans son dernier film, «La ferme des Bertrand». Ces Bertrand, ce sont ses voisins de Quin­cy, petit vil­lage de la mon­tage savo­yarde où il a gran­di. Cette prox­im­ité géo­graphique et humaine lui per­met d’immortaliser sur le temps long des moments d’une vie paysanne en plein boule­verse­ment.

Hélène, Alex et Marc, de famille Bertrand, con­duisant les vach­es au pré. © Lau­rent Cousin/Jour2fête

C’est l’un des aspects remar­quables du film : suiv­re sur plusieurs généra­tions la vie de cette grande exploita­tion dont le lait est des­tiné à la fab­ri­ca­tion du reblo­chon. En entremêlant des images de 1972, 1997 et 2022, Gilles Per­ret racon­te un demi-siè­cle d’activité agri­cole. On y croise le trio des frères Bertrand, à l’origine de la pre­mière phase de mod­erni­sa­tion de la ferme, puis leur neveu Patrick et sa femme Hélène qui repren­nent les affaires dans les années 2000. Le film accom­pa­gne toutes ces per­son­nal­ités dans leurs efforts, leurs doutes et leurs espoirs de «tra­vailler moins dur» et de pou­voir trans­met­tre «quelque chose de bien» aux généra­tions futures.

Hasard du cal­en­dri­er, le film éclaire de manière très pré­cieuse, de l’intérieur, l’actualité de la mobil­i­sa­tion des agriculteur·ices. Revenus, pro­tec­tion­nisme, péni­bil­ité du tra­vail, robo­t­i­sa­tion, rap­port aux ani­maux d’élevage, recon­nais­sance du méti­er d’agriculteur dans la société, arti­fi­cial­i­sa­tion des espaces ruraux : «La ferme des Bertrand» ratisse large pour nous per­me­t­tre de com­pren­dre à la fois la fierté et le malaise qui agi­tent les cam­pagnes français­es.

«La ferme des Bertrand», un film doc­u­men­taire de Gilles Per­ret, 1h29, sor­ti en salle mer­cre­di 31 jan­vi­er 2024.