Sachet-le. Le continent de plastique du Pacifique Nord abrite de nombreuses formes de vies et celles-ci sont menacées par la volonté — louable — de nettoyer les océans, indique une étude à paraître.
Benoît Lecomte est un nageur d’élite et un grand défenseur de la vie marine. En 2019, il décide de rallier à la nage la Californie depuis Hawaï, en traversant le « vortex » de déchets du Pacifique Nord, aussi surnommé le « continent de plastique ». Tout au long de son périple, le bateau qui le suit prélève des échantillons d’eau de mer pour en évaluer le niveau de pollution. Le nageur fait une étonnante découverte : là où il y a beaucoup de plastique, il y a aussi beaucoup de vie à la surface de l’eau. Débris et animaux sont rassemblés par les mêmes courants et les mêmes vents dans des vortex au centre des océans.
Un écosystème au fil de l’eau
La surface des océans est un écosystème à part entière, riche de plusieurs milliers d’espèces et d’un territoire immensément vaste — les océans représentent 70% de la superficie terrestre, même s’il est compliqué de s’en apercevoir depuis les côtes. Un grand nombre d’entre elles ne peuvent pas nager pour s’orienter et utilisent les courants marins pour dériver.
Parmi cette faune marine retrouvée sur le continent de plastique, on trouve de nombreuses créatures insolites, révèle une étude à paraître. Parmi celles-ci, le dragon bleu des mer (e), ou la janthine (d), un escargot violet qui flotte grâce à ses bulles de mucus. Ces deux animaux flottants se nourrissent de la « flottille bleue », nom donné par le biologiste marin Alister Hardy à un ensemble d’espèces bleues à la dérive : la physalie ©, qui se maintient à la surface grâce à son volumineux flotteur ; la porpite (b) ; ou encore la vélelle (a), qui se déplace grâce au vent qui souffle dans sa membrane en forme de voile de bateau.
Cette forte concentration de vie à la surface de l’océan représente un formidable garde-manger pour de plus gros prédateurs — oiseaux marins, poissons et tortues. Mais dans le vortex de déchets, ceux-ci confondent leur nourriture avec les plastiques qui les entourent et l’ingestion des détritus leur est souvent fatale. La forte concentration en microplastiques empoisonne aussi les petits animaux qui les avalent.
Collectes intempestives
Pour remédier à cette pollution d’origine anthropique, de nombreux projets de collecte des déchets se développent, dont The ocean cleanup, qui veut ramasser les tas de détritus en mer à l’aide de gigantesques filets. Mais, il y a un « mais ». La biologiste marine Rebecca Helm, chercheuse et enseignante à l’Université de Caroline du Nord et co-autrice de l’étude, a exprimé sur Twitter son inquiétude face à ces initiatives, qui paraissent louables de prime abord. En réalité, celles-ci moissonnent des animaux marins en même temps que la pollution. Selon la scientifique, « ce serait comme retourner au bulldozer une prairie remplie de sacs en plastique ». Le mieux serait-il l’ennemi du bien ?
Pour la biologiste, « il ne sert à rien de collecter massivement le plastique en mer s’il ne reste rien ensuite à protéger ». Elle milite pour des ramassages plus minutieux, voire faits à la main, qui ne détruisent pas les écosystèmes qu’ils prétendent nettoyer. Elle appelle aussi à exercer des pressions plus importantes sur les fabricants d’emballages pour réduire la pollution à la source, alors qu’environ 460 millions de tonnes de plastique ont été produites dans le monde en 2019.