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Greenwashing : les entreprises ne pourront plus promouvoir la neutralité carbone de leurs produits à moins de l’avoir prouvée

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C’est plus dur com­pen­sé. Les pub­lic­ités ne pour­ront plus van­ter des pro­duits « neu­tres en car­bone » ou « 100% com­pen­sés » sans avoir pub­lié un bilan car­bone détail­lé de ces derniers, selon un récent décret d’application de la loi Cli­mat et résilience.

Voilà une belle avancée con­tre le green­wash­ing éhon­té de cer­taines entre­pris­es. Si les annon­ceurs souhait­ent pro­mou­voir la neu­tral­ité car­bone (soit la com­pen­sa­tion du CO2 émis) de pro­duits ou de ser­vices, il leur fau­dra désor­mais le démon­tr­er publique­ment. Une dis­po­si­tion prévue dans l’article 12 de la loi Cli­mat et résilience, et dont le décret d’application a été pub­lié jeu­di 14 avril au Jour­nal offi­ciel. Il entr­era en vigueur le 1er jan­vi­er 2023 et vise à encadr­er les allé­ga­tions de neu­tral­ité car­bone sur l’ensemble des sup­ports pub­lic­i­taires (médias web et audio­vi­suels, affichage, éti­que­tage des pro­duits, etc).

Les annon­ceurs seront tenus de ren­dre pub­lic un bilan détail­lé des émis­sions de gaz à effet de serre d’un pro­duit ou d’un ser­vice sur l’ensemble de son cycle de vie — c’est-à-dire de sa con­cep­tion jusqu’à son recy­clage ou son élim­i­na­tion. Ils devront aus­si pré­cis­er la tra­jec­toire de réduc­tion des émis­sions liées au pro­duit ou ser­vice ain­si que les modal­ités de com­pen­sa­tion des émis­sions résidu­elles (non-évita­bles). Ces infor­ma­tions seront pub­liées en ligne et acces­si­bles grâce à un lien ou un QR code disponible sur l’emballage ou la pub­lic­ité con­cernée.

En 2023, ce type de pub­lic­ité devra être assor­ti d’in­for­ma­tions très pré­cis­es pour prou­ver la neu­tral­ité car­bone du pro­duit. © Volvic

« Bien sûr, il aurait été plus sim­ple d’interdire directe­ment les allé­ga­tions de neu­tral­ité car­bone », iro­nise auprès de Vert Math­ieu Jah­nich, con­sul­tant indépen­dant spé­cial­isé dans la com­mu­ni­ca­tion respon­s­able. L’Ademe (l’agence de la tran­si­tion écologique) a d’ailleurs démon­tré dans un avis pub­lié en févri­er 2022 que la neu­tral­ité car­bone n’avait aucun sens à l’échelle d’un pro­duit, d’une entre­prise ou même d’un ter­ri­toire, et que ce con­cept n’était val­able qu’au niveau de la planète. L’interdiction de telles affir­ma­tions était ini­tiale­ment prévue dans le texte adop­té par l’Assemblée nationale, avant qu’il ne soit vidé de sa sub­stance par des déro­ga­tions imposées par le Sénat. Un revire­ment qui avait été jugé par certain·es comme une forme d’« insti­tu­tion­nal­i­sa­tion du green­wash­ing » (Car­bone 4).

Finale­ment, le décret pub­lié inclut de strictes con­di­tions à rem­plir pour pré­ten­dre aux allé­ga­tions de « neu­tral­ité car­bone », ce qui « peut avoir pour effet de revenir à l’idée pre­mière d’interdiction », analyse dans un bil­let de blog Arnaud Gosse­ment, avo­cat en droit de l’environnement. En effet, les exi­gences posées par le décret sont par­ti­c­ulière­ment détail­lées et doivent être réac­tu­al­isées de manière régulière pour se con­former à la loi.

L’intérêt est de génér­er un effet dis­suasif pour la plu­part des annonceur·ses face aux nom­breux élé­ments à fournir. Jusqu’à présent, les entre­pris­es prof­i­taient d’un flou juridique leur per­me­t­tant de verdir leur image. « Forcer les entre­pris­es à pub­li­er ces don­nées veut aus­si dire qu’elles sont acces­si­bles pour leurs concurrent·es, les expert·es et les ONG, et c’est là que se fera la pres­sion », décrypte Math­ieu Jah­nich. Avec l’espoir que les ONG et les citoyen·nes s’empareront de cet out­il juridique pour faire ren­tr­er dans le rang les entre­pris­es férues de green­wash­ing.