Elle n’a plus un moment pour elle. Depuis qu’elle est devenue co-présidente en 2017 de l’Union protection nature environnement du Tarn (Upnet), une fédération d’associations rattachée à France nature environnement Midi-Pyrénées, Françoise Blandel est sur tous les fronts. «C’est effrayant le nombre de projets anti-écologiques contre lesquels il faut se mobiliser aujourd’hui. Au total, je travaille presque à temps plein», témoigne cette militante bénévole, habitante de la petite commune de Lisle-sur-Tarn.
À l’heure actuelle, l’Upnet accompagne les associations adhérentes contre le projet autoroutier entre Castres et Toulouse, que beaucoup jugent inadapté aux besoins de mobilité du Tarn sud et catastrophique sur le plan environnemental. Françoise mène également la fronde contre l’extension d’un poulailler géant dans le village de Lescout ou contre l’implantation d’une usine d’enrobés — un revêtement routier — dans le parc naturel du Haut Languedoc.
En 2021, il a aussi fallu alerter les inspecteurs de l’Office français pour la biodiversité (OFB), car le gérant d’un gigantesque verger de 300 hectares de la commune de Lavaur avait épandu des pesticides par grand vent. Une affaire dont l’instruction est toujours en cours. En attendant que la justice se prononce, Françoise et ses camarades défenseur·ses de l’environnement ont pris les devants. «Nous nous sommes battus pour que les communes alentour disposent d’appareils pour mesurer la vitesse du vent. Ce système décourage l’agriculteur de répandre à nouveau ces produits quand bon lui chante», se réjouit Françoise. En octobre dernier, l’écolo septuagénaire a par ailleurs organisé la Journée nationale de la qualité de l’air, un événement crucial, alors que se profile le projet de raccordement d’une autoroute entre Lyon et Toulouse en plein milieu de l’agglomération d’Albi.
Mais le projet qui l’inquiète le plus est celui qui gronde à nouveau près de chez elle : la construction d’une nouvelle retenue d’eau à Sivens, neuf ans après un premier projet avorté de barrage. D’après Françoise, les élus locaux tarnais sont toujours déterminés à détruire les zones humides du Testet près du Tescou, malgré la mort de Rémi Fraisse — tué en 2014 par l’explosion d’une grenade lancée par un gendarme -, et le fait que la justice ait finalement donné raison aux opposant·es au barrage. «Rien ne les fera changer d’idée, pour eux, ils ont une revanche à prendre», assure celle qui, à l’époque, soixante ans passés, était déjà membre du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet. «En 2014, j’ai été malade pendant quelques mois, donc je n’ai pas pu mener des actions sur le terrain, mais j’ai tout même aidé autant que je le pouvais», souligne-t-elle avec humilité.
Cet engagement en faveur de l’environnement a accompagné Françoise tout au long de sa vie. Née à Paris, ayant passé son enfance à Sarcelles, elle commence sa carrière professionnelle en tant qu’infirmière psychiatrique à proximité de Paris avant de se sauver vers Toulouse. «Je ne voulais pas passer ma vie entre ces murs», témoigne-t-elle. Au cours de ses années de jeunesse, elle enchaîne les petits boulots — ouvrière agricole, vendeuse de tickets SNCF — et essaie toujours de travailler sans renier ses valeurs écolos. «Une fois, dans le Gers, j’ai trouvé un emploi de cantonnière. Pour l’entretien de la place du village et du cimetière, je refusais toujours de répandre des pesticides». Plus tard, elle rejoint les mouvements antinucléaires et se retrouve parmi les premières à défendre l’agriculture biologique. «Bref, j’étais une vraie soixante-huitarde», plaisante-t-elle.
Vingt-deux ans après avoir «interdit d’interdire», Françoise, qui fête alors ses 40 ans, réalise une formation pour tailler les arbres fruitiers. C’est la révélation : elle enchaîne les stages et s’apprête à devenir une professionnelle de l’arboriculture quand naît sa fille. Jugeant l’école maternelle trop «brutale», elle choisit d’arrêter de travailler pour garder son enfant auprès d’elle jusqu’aux six ans de la petite. Le temps passe et l’écolo des premiers jours finit par trouver un emploi aidé à la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), un contrat qui ne dure que quelques années.
En parallèle, Françoise commence à militer auprès de l’antenne de FNE à Lisle-sur-Tarn, où elle habite désormais. Quant à trouver un poste fixe, cela relève du parcours du combattant. À l’époque, Françoise a près de 60 ans et les emplois en tant qu’arboricultrice dans sa commune se font rares. «À Pôle emploi, on me proposait des postes de bûcheron. C’est ridicule, je n’ai jamais utilisé une tronçonneuse de ma vie», sourit-elle. Elle finit par renoncer à l’idée de retrouver du travail malgré la perspective d’une retraite minuscule (environ 400 euros par mois) et s’engage à corps perdu dans la lutte pour la préservation de l’environnement. «Je n’ai pu le faire que parce que mon mari a continué de travailler et touche désormais une meilleure retraite que la mienne. D’ailleurs, il est à mes côtés dans tous mes combats», tient-elle à rappeler.
Aujourd’hui, la septuagénaire se verrait bien habiter ailleurs que dans le Sud de la France, où les étés promettent d’être de plus en plus étouffants. La Bretagne, où elle a passé toutes ses vacances d’enfance, lui tend les bras. Et à Sivens alors, qui s’occupera de défendre les zones humides ? «Oh, vous savez, il y a des tas de gens qui sont mobilisés et puis, glisse-t-elle, je ne suis pas irremplaçable».
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