«On est au courant depuis longtemps», déplore auprès de Vert Sébastien Bouvier, secrétaire fédérale CFDT des services d’incendie et de secours. Lors d’un incendie domestique, de nombreux objets en plastique fondent et prennent feu, ce qui dégage des polluants néfastes pour leur santé.
Les pompiers souffrent d’une espérance de vie plus réduite — sept ans de moins que la moyenne nationale, selon les syndicats. Une vaste étude transnationale, publiée sous l’égide du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), révèle que la profession est aussi exposée à un risque accru de cancers, de 58% plus élevé chez les pompiers que dans la population générale pour le mésothéliome (qui affecte la membrane qui recouvre la plupart des organes internes du corps), et de 16% supérieur pour celui de la vessie. D’autres cancers sont surreprésentés, dont celui du côlon, de la prostate ou du testicule.
En 2018, un sondage mené auprès de pompiers américains ouvrant la voie à un lien entre PFAS et cancers avait alerté les professionnel·les du monde entier. Présentes dans leur tenue de feu et dans les mousses anti-incendie, ces nouvelles toxines élargissent la question de l’exposition des pompiers, autrefois concentrée principalement sur les fumées. «Nos tenues nous protègent essentiellement de la chaleur, mais beaucoup de choses passent à travers, indique le pompier basé à Bourg-en-Bresse (Ain). Comment protéger les autres quand nous sommes nous-même en danger ?».
Bien que le sondage ne puisse faire le lien direct entre les maladies développées par les pompiers et les PFAS, en décembre 2023, le Circ a classé le PFOA comme «cancérogène» et le PFOS comme «peut-être cancérogène» ; deux polluants éternels que l’on retrouve abondamment autour de nous.
«On veut vraiment savoir comment on est contaminés et les effets sur nos corps»
Début 2024, le parti Les écologistes a mené un prélèvement de cheveux sur des représentant·es de diverses professions. La personne la plus contaminée était un sapeur-pompier, avec trois types de polluants éternels, sur les douze testés. «Ça fait peur, confie Sébastien Delavoux, responsable fédéral de la CGT des pompiers. On veut vraiment savoir comment on est contaminés et les effets sur nos corps».
Les élu·es écologistes ont organisé un nouveau test sur 20 pompiers avant le début de la manifestation qui s’est élancée jeudi dernier de la place de la République. Sous le contrôle d’un huissier, les prélèvements de cheveux ont été envoyés en laboratoire pour déterminer le niveau de contamination aux PFAS.
Alarmée par l’enquête de l’émission Vert de rage consacrée aux PFAS fin 2022 (notre article), Laure Moriot, sapeur-pompier à Elbeuf (Seine-Maritime) et volontaire pour le test, assure qu’elle et ses collègues «sont de plus en plus conscients des expositions toxiques» et déplore «qu’aucun suivi n’ait été mis en place». Elle s’estime heureuse que les choses bougent enfin : «Ce genre de test devrait faire partie de nos procédures médicales, mais on nous répond qu’on n’a pas le budget. Je ne vois pas ce qu’il y a de plus important que notre santé». Les résultats sont attendus avant le 30 mai.
Outre la prévention à cette pollution, les soldat·es du feu réclamaient également une meilleure reconnaissance par l’État de leurs maladies professionnelles. «Aujourd’hui il est très difficile d’attribuer un cancer à son métier quand on est pompier, affirme Sébastien Delavoux de la CGT. Les procédures sont trop longues et trop compliquées. À tel point que certains collègues décèdent avant de les terminer». Pour lui, «l’ignorance de leurs employeurs relève de la mise en danger de la vie d’autrui.» La CGT a porté plainte contre X à ce titre le 1er décembre 2023.
Un observatoire de la santé des pompiers a été lancé le 15 mai. Son rôle sera de faire le point sur toutes les études à mener pour améliorer et systématiser le traçage et la prévention de l’exposition des sapeurs-pompiers. «Jusqu’ici nous n’avions pas de chiffres, ni de données exactes pour déterminer le nombre de collègue qui sont ou qui ont été contaminés, explique Sébastien Bouvier de la CFDT. Mais les procédures évoluent et vont dans le bon sens».
Photo de couverture : Lors de la manifestation du 16 mai 2024 à Paris. Alexandre Carré/Vert
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