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Enfer social et écologique, le Black friday est hors-la-loi en France

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Black fri­day, black week, black époque. Cri­tiquée de toutes parts par les asso­ci­a­tions, inter­dite par la loi française, cette grand-messe de la sur­con­som­ma­tion con­tin­ue son essor dans nos échoppes et, surtout, en ligne.

Le Black fri­day, ou « ven­dre­di noir », c’est le jour qui suit la fête de thanks­giv­ing aux Etats-Unis. Une fête com­mer­ciale qua­si-tra­di­tion­nelle (elle trou­ve ses orig­ines dans les années 1950), qui s’est répan­due à tra­vers la planète. Désor­mais, elle est égale­ment suiv­ie du « cyber mon­day » — dédié à l’élec­tron­ique -, et lance la folle sai­son des emplettes qui s’é­tend jusqu’à la Noël.

Com­pi­la­tion de scènes d’émeutes dans les mag­a­sins aux Etats-Unis © Andrew Lanoue

Cette année encore, les ventes promet­tent de s’emballer : au Roy­aume-Uni, les dépens­es devraient attein­dre 9,2 mil­liards de livres (10,9 Mds€) pour ce seul ven­dre­di 26 novem­bre, en hausse de 15% en un an (Guardian). Cet événe­ment est tris­te­ment célèbre pour les scènes d’émeutes régulières entre consommateur·rices, qui s’ar­rachent lit­térale­ment les pro­mo­tions. Mais la pandémie, qui a large­ment freiné le com­merce physique pen­dant l’an­née 2020, a accéléré l’es­sor du Black fri­day sur Inter­net : cette année-là, entre Thanks­giv­ing et le Cyber mon­day, 36 mil­liards de dol­lars ont été dépen­sés en ligne pour les seuls Etats-Unis, selon Adobe. Le phénomène devrait se pour­suiv­re cette année.

Les géants du e‑commerce que sont Ali baba ou Ama­zon se frot­tent les mains. L’an dernier, la firme de Jeff Bezos a réal­isé plus de 20 mil­liards de dol­lars (17,74 Mds€) de chiffre d’af­faires ce week-end-là (For­tune). Ce ven­dre­di, au petit matin, des militant·es d’ANV-COP21 se sont rendu·es devant les bureaux mar­seil­lais de la CMA-CGM, géant du trans­port mar­itime, pour point­er du doigt l’im­pact écologique et social du Black fri­day et de ses cham­pi­ons.

Les grandes firmes du e‑commerce, pris­es pour cibles par les militant·es d’ANV-COP21 ce ven­dre­di © ANV-COP21

Les con­di­tions de tra­vail épou­vanta­bles d’A­ma­zon, ou sa sur­veil­lance des syn­di­cal­istes et écol­o­gistes, sont désor­mais large­ment doc­u­men­tées, tout comme son effet néfaste sur l’emploi : en 2019, une note de l’ancien secré­taire d’État et député LREM Mounir Mahjoubi affir­mait que pour chaque poste créé dans ses entre­pôts, Ama­zon détru­it entre 1,9 et 2,2 emplois au sein des com­merces physiques (Le Monde).

L’ac­tion d’ANV-COP21 fut aus­si l’oc­ca­sion de rap­pel­er que les pro­duits du com­merce en ligne tra­versent la planète sur des porte-con­teneurs bien physiques. Et que cette envolée a des con­séquences écologiques désas­treuses, avec la vente de mil­liards de pro­duits neufs, gour­mands en ressources et très émet­teurs de CO2. Par­mi les stars du « ven­dre­di noir », les vête­ments (2% des émis­sions mon­di­ales — Ademe) et les équipements élec­tron­iques (le numérique est respon­s­able de 4% des émis­sions).

Votée au print­emps 2020, la loi anti­gaspillage prévoit pour­tant l’in­ter­dic­tion « dans une pub­lic­ité, de don­ner l’impression, par des opéra­tions de pro­mo­tion coor­don­nées à l’échelle nationale, que le con­som­ma­teur béné­fi­cie d’une réduc­tion de prix com­pa­ra­ble à celle des sol­des », en-dehors des péri­odes de sol­des définies par la loi, a rap­pelé Zero waste France. Les pro­mo­tions liées au Black fri­day sont donc hors-la-loi. « Cette pra­tique est inté­grée par­mi les pra­tiques com­mer­ciales trompeuses énumérées par le code de la con­som­ma­tion (arti­cle L. 121–4), sanc­tion­nées d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros » ajoute l’as­so­ci­a­tion dédiée au « zéro déchet ». « Le Black Fri­day c’est une opéra­tion pro­mo­tion­nelle d’ordre privé, je n’ai pas la pos­si­bil­ité de l’interdire », s’é­tait défendu le min­istre de l’é­conomie, Bruno Le Maire, sur BFMTV il y a un an. Il est encore temps de se racheter.