« C’est le moment de se réconcilier avec la nature et les jeunes sont notre meilleure source d’espoir », a salué Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, ce mardi, pour accueillir les quelque 300 jeunes participant·es au sommet. Parmi les questions qui ont fusé : comment prendre en considération les différentes valeurs de la nature ? Comment lier climat et vivant, séparés par les institutions de l’ONU ? Comment instaurer un système économique et financier plus juste ? « La prochaine fois, ne me posez pas de questions à moi. Invitez des représentants des États et demandez-leur de vous écouter, vous ! », a-t-il lancé. Vert a entendu son conseil et vous propose d’écouter trois de leurs riches témoignages.
Joel Rojas, République Dominicaine : « Nous devons rendre responsables les pays développés pour les décisions qu’ils ont prises : les pollutions, les guerres, la disparition d’espèces »
Joel Rojas, 25 ans, est biologiste en République dominicaine. Il travaille au ministère de l’environnement sur la biologie moléculaire et la génétique, et il est venu à la COP pour « porter la voix des jeunes dans les négociations ». Guidé par un amour profond des baleines – un tatouage sur son avant-bras pour preuve -, Joel plaide pour que l’on apprenne à « vivre comme partie de la nature ».

Il salue le plan de restauration de la biodiversité entrepris par la République dominicaine, « mais nous avons encore beaucoup à faire sur les changements d’usage des sols et l’agriculture ». Pour cela, il propose de mieux prendre en compte les intérêts des peuples autochtones et de transférer les ressources du Nord vers le Sud. « Nous devons aussi rendre responsables les pays développés pour les décisions qu’ils ont prises : les pollutions, les guerres, la disparition d’espèces comme l’anguille américaine en République dominicaine. »
Joel est arrivé à Montréal avec de grandes attentes. Parce qu’il est expert des objectifs « d’Aichi » sur la biodiversité qui n’ont pas été respectés (Vert), il espère que le nouveau cadre international qui doit être défini pour la présente décennie lors de la COP15 « pourra vraiment être appliqué. Les États doivent trouver un consensus sur différentes cibles, en particulier sur les droits des communautés, les femmes et les jeunes », avance-t-il. La rencontre avec des jeunes du monde entier lui permet d’« ouvrir les yeux sur des choses que nous tenons pour acquises », et renforce sa volonté de travailler sur les solutions liées à la biodiversité.
Espérance Priscille Noumbou Vehpoubouot, Cameroun : « Les étrangers et les gens de la ville devraient apprendre auprès des communautés locales, car elles ont toujours respecté la nature »
Espérance Priscille Noumbou Vehpoubouot, 33 ans, est ingénieure en conception halieutique à Yaoundé (Cameroun) et étudie l’hydrobiologie, en particulier la restauration des mangroves. Activiste écologiste et artiste, elle utilise ses bandes dessinées pour alerter enfants et adolescents au sujet de la protection du vivant.

Espérance est venue à Montréal pour alerter sur la situation des peuples autochtones. « Lorsqu’un projet de plantations d’hévéa ou de cacao est décidé par les autorités, ils n’hésitent pas à déplacer les populations. Ils disent : “on va construire des routes et vous pourrez aller à l’école”. Mais en réalité, ils utilisent des pesticides ; l’eau et les sols sont contaminés. » La Camerounaise dénonce également l’exploitation minière, qui ne respecte aucune norme environnementale. Tout comme l’action de certaines ONG étrangères qui « viennent apprendre à protéger la forêt à des populations qui ont toujours vécu en harmonie avec la nature ».
Biologiste marine, Espérance voudrait que soit mis en avant le rôle crucial des zones humides – comme les mangroves, les marais, les tourbières -, pour la reproduction d’espèces et la lutte contre le réchauffement climatique. Elle veut aussi alerter sur l’importance des planctons marins et des invertébrés à la base de la chaîne alimentaire.
Espérance croit au pouvoir de la jeunesse : « Quand je rentrerai chez moi, je dirai qu’il y a des jeunes partout dans le monde qui vivent la même réalité que nous et qui se battent ; cela donnera de l’espoir pour le changement ». Pour que les jeunes changent le monde, « nous devons être à la table des négociations ».
Lino Paoletti, Belgique : « La meilleure chose à faire pour la biodiversité, c’est de ne plus financer l’agrobusiness »
Lino Paoletti, 24 ans, travaille à Bruxelles depuis un an chez « Vrac », une association qui œuvre à l’accessibilité alimentaire dans les quartiers populaires. Intéressé de longue date par la diversité du vivant, Lino est « triste de voir qu’on fait disparaître des espèces pour construire des centres commerciaux ». Il se mobilise pour la défense de la biodiversité à travers le Forum des jeunes, l’organe de représentation officiel de la jeunesse francophone belge.

Jeune délégué de l’ONU pour la biodiversité depuis deux ans, il est chargé de recueillir l’opinion de ses contemporains sur le vivant pour la porter dans les instances onusiennes, notamment à la COP. « On fait des enquêtes, des vidéos informatives, détaille-t-il. On se rend compte que les jeunes ne sont pas suffisamment informés et ne se mobilisent pas beaucoup sur les questions de biodiversité. »
Lino s’est rendu à Montréal avec la délégation belge et le Global youth biodiversity network (Gybn), un réseau international de jeunes qui luttent pour la sauvegarde du vivant. Il est aussi présent pour faire connaître le crime d’écocide ; la Belgique ayant ouvert la voie à sa reconnaissance mondiale en 2021. À celles et ceux qui lui demandent si les COP sont utiles, Lino répond qu’« elles peuvent sembler hypocrites, mais elles sont tout à fait nécessaires si on veut agir un minimum au sein du « système » économique. Concrètement, la meilleure chose à faire pour la biodiversité, c’est de ne plus financer l’agrobusiness. Et ça peut commencer avec son alimentation ».
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