Décryptage

Moins de plastique et de pesticides, plus d’aires protégées et d’argent pour le vivant : qu’attendre de la COP15 sur la biodiversité ?

Le quinzième sommet mondial (COP15) sur la diversité biologique s’ouvre mercredi à Montréal (Canada). Il doit permettre de fixer un nouveau cadre international à la protection de la biodiversité jusqu’à 2030 - et au-delà. Tour d’horizon des principaux enjeux.
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L’urgence est là : un mil­lion d’espèces sont men­acées, 69% des pop­u­la­tions de vertébrés ont dis­paru depuis 1970 et au moins 90% des écosys­tèmes ont été mod­i­fiés par l’humain.

Née à Rio (Brésil) en 1992, en même temps que celles con­sacrées au cli­mat et à la déser­ti­fi­ca­tion, la Con­ven­tion sur la diver­sité biologique (CDB) compte 196 mem­bres — dont l’Union européenne. La Con­ven­tion a trois objec­tifs prin­ci­paux : la con­ser­va­tion des écosys­tèmes, l’utilisation durable du vivant et le partage juste des béné­fices issus de l’utilisation des ressources géné­tiques. Cette con­férence doit débouch­er sur un accord glob­al — à l’état d’ébauche — qui déclin­era ces objec­tifs en 21 mesures.

Deux fois repoussé à cause du Covid, ce som­met doit per­me­t­tre d’adopter un nou­veau plan décen­nal de pro­tec­tion du vivant, alors que les précé­dents objec­tifs (dits d’« Aichi ») fixés en 2010 à Nagoya (Japon), n’ont pas (du tout) été atteints.

Vers 30% des terres et des mers protégées en 2030

Le plan pour la décen­nie 2010–2020 a per­mis de pro­téger 17% des ter­res et 10% des espaces marins, mais la qual­ité de la pro­tec­tion et l’équité lais­sent à désir­er, selon l’ONU. Ces deux chiffres devraient être portés à 30% d’i­ci à la fin de la décen­nie. De nom­breux pays et observateur·ices plaident pour que la con­ser­va­tion soit cor­rélée à une recon­nais­sance du rôle prépondérant des peu­ples autochtones. Le texte devrait aus­si prévoir la restau­ra­tion des écosys­tèmes dégradés.

Des financements pour le vivant

Selon les esti­ma­tions, les besoins en finance­ment à l’échelle mon­di­ale pour sauve­g­arder le vivant oscil­lent entre 103 à 178 mil­liards de dol­lars par an pour les plus bass­es, et 600 à 823 mil­liards pour les plus hautes. Sou­vent situés dans des zones trop­i­cales où se con­cen­tre la bio­di­ver­sité, les pays du Sud deman­dent aux pays du nord de les aider à pro­téger les écosys­tèmes.

Le texte devrait aus­si men­tion­ner la diminu­tion des finance­ments qui détru­isent la bio­di­ver­sité. Selon le rap­port Financ­ing nature de l’ONG Nature con­ser­van­cy, les sub­ven­tions dites « nocives » (accordées à la pêche, le secteur foresti­er, ou l’agriculture indus­trielle) ont représen­té entre 274 et 542 mil­liards de dol­lars en 2019 — et bien plus encore si l’on compte les sub­ven­tions aux éner­gies fos­siles qui réchauf­fent le cli­mat -, con­tre 124 à 143 mil­liards de dol­lars alloués à la pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité.

Réduire les pesticides et les polluants

Le pro­jet d’accord vise à réduire l’usage de pes­ti­cides de deux tiers d’ici à 2030, mais il aura peu de chances de tra­vers­er les négo­ci­a­tions sans être amoin­dri, en rai­son du rôle préémi­nent joué par les pays agroex­por­ta­teurs comme le Brésil ou l’Argentine. Dans ces négo­ci­a­tions onusi­ennes, tous les États doivent être d’accord pour que le texte soit adop­té. Les engrais devraient aus­si être réduits d’au moins la moitié. Il est aus­si ques­tion d’éliminer les rejets de plas­tique dans les écosys­tèmes.

Répartir les bénéfices issus des ressources génétiques

Les pays du Sud revendiquent une juste répar­ti­tion des béné­fices tirés par les indus­triels du Nord de l’utilisation, dans des médica­ments ou des cos­mé­tiques, des ressources géné­tiques issues des écosys­tèmes locaux. Celles-ci sont désor­mais facile­ment extraites grâce aux tech­nolo­gies de séquençage numérique. Pour Juli­ette Landry, experte à l’Institut du développe­ment durable et des rela­tions inter­na­tionales (Iddri), « la sym­bol­ique est forte pour les pays en développe­ment, car ce sont eux qui ont con­servé ces ressources ».