Avec ses 225 millions d’abonné·es sur X (ex-Twitter) pour plus de 80 000 tweets publiés, Elon Musk «peut influencer le cours du monde en quelques caractères». Mais comment celui qui a «révolutionné le secteur automobile et relancé la conquête spatiale» est-il devenu une figure politique polarisante, ami puis ennemi de Donald Trump ?
Dans le dernier épisode de la série documentaire d’analyse de la désinformation La fabrique du mensonge, Elon Musk : la conquête du pouvoir en 80 000 tweets, les réalisateurs Pierre Zéau et Jaouhar Nadi se penchent sur le parcours de cet homme tout en contradictions. À travers l’analyse minutieuse de ses tweets par le data analyst Adel Mebarki, le film interroge la mécanique d’influence d’un milliardaire devenu acteur politique.
Aux origines, un entrepreneur en quête de reconnaissance
Tout débute en juin 2010, quand Elon Musk publie son premier tweet. Il utilise ce jeune réseau social pour se démarquer et se faire connaître – à l’époque, Twitter est encore confidentiel, seulement prisé des journalistes et des responsables politiques. Le patron de Tesla y partage ses découvertes culturelles, sa vie familiale, les avancées de ses entreprises… et évite tout sujet clivant ou politique.
Loin d’être la figure libertarienne que l’on connaît aujourd’hui, il finance alors des candidats démocrates et affiche une conscience écologique (En 2017, il tweete : «Le changement climatique est une réalité.»).
Radicalisation lors de la pandémie
Selon les réalisateurs, tout bascule lors de la pandémie de Covid-19. Opposé aux mesures de confinement, Elon Musk maintient son usine ouverte et relaie des messages complotistes minimisant la crise sanitaire. Le documentaire montre comment, dès lors, son langage se radicalise : ses publications deviennent plus fréquentes et plus clivantes.
Ce glissement, souvent vu comme une lubie personnelle, apparaît ici comme une stratégie dont le rachat de Twitter, qu’il rebaptise X, marque l’apogée. En quelques semaines, le milliardaire licencie près de 80% du personnel et fait de la plateforme un bastion autoproclamé du free speech (une vision absolutiste de la liberté d’expression). Contre la «censure», il supprime la plupart des règles de modération et instaure au passage des algorithmes qui mettent en avant ses propres contenus.
En juillet 2024, après la tentative d’assassinat de Donald Trump, Musk affiche son soutien au candidat républicain. D’homme d’affaires, il devient figure politique. Durant la campagne présidentielle, Adel Mebarki nous apprend qu’il tweete en moyenne toutes les 27 minutes, relayant principalement des contenus partisans. Au lendemain de l’investiture de Trump, il prend la tête du Doge – le «Département de l’efficacité gouvernementale». L’expérience tournera court, mais le symbole reste. Le réseau social est devenu un tremplin vers le pouvoir.
Une plongée lucide dans la fabrique du pouvoir
La force de ce documentaire est de dépasser le simple portrait d’un homme pour interroger une époque dans laquelle l’influence passe moins par les urnes que par les algorithmes. Musk n’est pas qu’un cas isolé, il est le symptôme d’une confusion grandissante entre visibilité et légitimité.
À force de tweeter sur tout, il a fait de lui-même un sujet permanent d’actualité, et donc d’attention. Sans sensationnalisme, Pierre Zéau et Jaouhar Nadi livrent une enquête dense et éclairante, et posent une question majeure : à qui appartient le pouvoir quand il se confond avec notre fil d’actualité ?
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