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Drag, concerts et lacrymos : dans le Tarn, 2 000 personnes font une «turboteuf» dans un château contre l’autoroute A69

Sur un coup de fête. Ce week-end, près de 2 000 personnes se sont retrouvées au château de Scopont, tout près du chantier de l’A69, pour réitérer leur opposition au projet autoroutier après la reprise des travaux. À rebours de leur criminalisation par le ministre de l’intérieur, les manifestant·es ont protesté dans la joie et la fête. Vert y était.
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Entre vendredi et dimanche, une coalition d’organisations et de collectifs opposés à l’autoroute A69 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn) – parmi lesquels les Soulèvements de la Terre, Extinction rebellion et La Voie est libre – a organisé un week-end festif dans le Tarn pour dire son opposition à la construction de ce ruban d’asphalte de 53 kilomètres de long.

Baptisé «Turboteuf», cet évènement avait été pensé pour célébrer la décision de février dernier du tribunal administratif de Toulouse, qui avait annulé l’autorisation environnementale du projet, ce qui semblait signer la victoire des opposant·es. Mais, depuis, une décision de la cour d’appel, datée du 28 mai, a autorisé la reprise des travaux par le biais d’un sursis appliqué au jugement précédent. Malgré ce revers, l’organisation de la Turboteuf a été maintenue.

Pourtant, la semaine dernière, la préfecture du Tarn a interdit tout rassemblement public dans les 17 communes voisines du tracé. Au final, plus de 1 500 manifestant·es se sont bel et bien retrouvé·es ce week-end.

Les festivités se sont déroulées au château de Scopont (Tarn), un monument classé situé à quelques centaines de mètres de la future autoroute. Récit en images de ce week-end haut en couleurs, bien loin de l’image sulfureuse donnée par certaines personnalités politiques.

Les travaux de l’A69 sont visibles de part et d’autre de la route nationale N126 : un rappel de l’existence d’un axe routier parallèle au tracé de l’autoroute prévue. Derrière le talus, les camions, pelleteuses et autres engins de chantier sont garés en nombre sous la protection de gendarmes. © Regard Brut/Vert
La Turboteuf a eu lieu au château de Scopont, un monument classé dont les fondations remontent au 15ème siècle. Le tracé de l’A69 se trouve à 315 mètres du bâtiment principal. Le parc d’une douzaine d’hectares qui l’entoure abrite des arbres centenaires et des jacinthes de Rome, une plante rare et protégée en France. Les travaux menaceraient les ressources en eau des environs, et donc la pérennité de cet écrin naturel. © Regard Brut/Vert
La Turboteuf a fait la part belle à l’autogestion. Les militant·es se sont retrouvé·es le vendredi après-midi pour élaborer la suite des activités. Après des échanges en plénière, c’est en groupes de travail thématiques que les réflexions se sont poursuivies : actions directes, de masse ou en groupe affinitaire, initiatives festives, place du soin, échanges de contact pour agrandir le réseau militant, enquête… L’assemblée était mue par une question : que prévoir pour le week-end, alors que la préfecture a interdit les rassemblements ? Et comment envisager la suite de la lutte ? © Regard Brut/Vert
Vendredi soir, les festivités ont commencé avec un spectacle de drag. Après son passage, Amalia (ou Lilacab lorsqu’elle est sur scène), militante d’Extinction rebellion engagée dans cette lutte depuis ses débuts, a rappelé l’histoire de cette pratique : «C’est un art éminemment politique qui a été créé par des personnes racisées et queers.» Dans une perspective d’écologie radicale, «il faut absolument déconstruire le capitalisme ; et avec le capitalisme viennent le colonialisme et l’impérialisme, et donc l’oppression des corps non blancs. La libération de ces personnes est liée à l’écologie. Une écologie qui n’inclut pas des valeurs antiracistes, ça n’a aucun sens», ajoute-t-elle. Ces revendications rappellent le cas de Louna, militante trans incarcérée dans une prison pour homme malgré son identité de genre, accusée d’avoir incendié une pelleteuse. © Regard Brut/Vert
Lors de la conférence de presse précédant le rassemblement du samedi après-midi sur le site du château, les organisateur·ices ont rappelé que, malgré la reprise des travaux, l’autoroute reste pour l’instant illégale, et ce jusqu’au jugement en appel sur le fond, attendu pour la fin de l’année. Ils et elles ont dénoncé la proposition de loi de validation de l’A69, portée par une large coalition et adoptée en commission mixte paritaire, qui accorderait le critère de raison impérative d’intérêt public majeur, court-circuitant ainsi les décisions judiciaires antérieures. © Regard Brut/Vert
Bernard D’Ingrando, le propriétaire des lieux, a pris la pose sur les marches du pavillon romantique, construit au début du 19ème siècle. L’A69 doit passer à 180 mètres de ce bâtiment. Pour qu’un projet comme l’A69 puisse voir le jour à moins de 500 mètres du château et son pavillon, monuments historiques classés, l’autorisation du propriétaire est nécessaire. Bernard, qui n’était pas particulièrement contre l’autoroute jusque-là, n’a pourtant jamais donné son accord : une plainte a été déposée sur les conseils de son avocat pour usurpation d’identité. © Regard Brut/Vert
Aux alentours de 15h, samedi, un grand rassemblement a pris forme devant le château. Les prises de parole de différents collectifs se sont suivies et ont rappelé la chronologie de la lutte, durement réprimée par les autorités. Quelques heures plus tard, un cortège improvisé a tenté de se rendre sur le chantier situé à quelques centaines de mètres. En fin de journée, on comptait plus de 1 500 participant·es. © Regard Brut/Vert
À peine sorti de la propriété, le cortège a essuyé une pluie de gaz lacrymogène. Les palets de gaz ont mis le feu aux herbes sèches à plusieurs reprises. En dépit des canons à eau mobilisés, ce sont les manifestant·es qui les ont éteints. Par voie d’arrêté préfectoral, les rassemblements publics étaient interdits pendant tout le week-end dans les communes bordant le tracé. © Regard Brut/Vert
Les scènes constatées sur place ont fortement contrasté avec la communication du préfet du Tarn Laurent Buchaillat. Le matin même, il évoquait sur BFMTV une prétendue «préparation d’un certain nombre de dispositifs hostiles, comme la fabrication de catapultes ou de réserves de pierres qui montrent clairement l’intention d’en découdre». © Regard Brut/Vert
Au total, plus de 1 500 gendarmes ont été mobilisés ce week-end, avec le renfort de deux véhicules blindés Centaures, deux canons à eau et un relai d’hélicoptères et de drones qui ont survolé le camp de jour comme nuit. À l’issue de la journée de samedi, trois personnes ont été placées en garde à vue. © Regard Brut/Vert
Alors que l’on commémore les dix ans du meurtre de Rémi Fraisse, tué par une grenade lancée par un policier lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens (Tarn), des rapports comme ceux d’Amnesty International ou des Nations unies dénoncent le dispositif de répression et la criminalisation constante de ce type de mobilisation. Pour le rapporteur spécial aux Nations unies sur les défenseurs de l’environnement Michel Forst, «la France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militant·es environnementaux». Samedi, sur X, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau qualifiait les participant·es de «barbares sans limites qui veulent créer le chaos». © Regard Brut/Vert
Ici, le jeu «1, 2, 3, Police !» est improvisé dans la bonne humeur. Il a rapidement été noyé de lacrymogène, un déluge de gaz dénoncé avec dérision par les manifestant·es comme de «l’anti-jeu». © Regard Brut/Vert
De retour au camp, samedi, une soirée de concert et de fête a débuté par l’embrasement d’une pelleteuse en carton, rappelant diverses actions de sabotage contre des engins de chantiers. © Regard Brut/Vert
Le dimanche, certain·es ont participé à la dépollution des lieux, en ramassant les déchets laissés par les forces de l’ordre, parfois tombés à leurs pieds comme les culs des grenades lacrymogène. L’une d’entre eux, Tix, explique : «Les forces de l’ordre n’ont pas de service de propreté après leurs interventions, c’est nous qui nous chargeons de ramasser ce avec quoi ils tentent de nous dissuader.» Bénévole tout le weekend au pôle veille (qui s’assure du bien-être sur le camp et surveille tout type d’oppression), elle est repartie satisfaite de ce week-end : «Je me ressource vraiment beaucoup humainement dans ce genre de manifestations.» Elle considère toutefois que «l’occupation est un des moyens de lutte le plus efficace». Peut-être la prochaine étape au château de Scopont ? © Regard Brut/Vert

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