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Claude Lorius, glaciologue et pionnier de la climatologie, s’en est allé

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Il avait la glace. On lui doit la décou­verte des liens entre les gaz à effet de serre et le réchauf­fe­ment cli­ma­tique : le glacio­logue français Claude Lorius s’est éteint mar­di 21 mars à l’âge de 91 ans.

«Mer­ci Mon­sieur d’avoir inspiré un jeune pas­sion­né de cli­mat». À l’instar des mots du cli­ma­to­logue Christophe Cas­sou, les hom­mages du monde de la recherche pleu­vent depuis l’annonce du décès de Claude Lorius.

L’histoire débute en 1955 lorsqu’une petite annonce postée sur le mur de l’université de Besançon, qui cherche des étudiant·es pour par­tir en Antarc­tique, retient l’attention de Claude Lorius, alors fraîche­ment diplômé. C’est ain­si qu’il atter­rit en 1957 à la base Char­cot, située en Terre Adélie, pour une mis­sion d’un an — le début d’une grande his­toire d’amour avec l’Antarctique. En cumulé, au long d’une ving­taine d’expéditions, ce pio­nnier de la cli­ma­tolo­gie aura vécu près de six ans dans cette région du monde.

C’est en 1965, lors d’une expédi­tion sur la base antarc­tique Dumont‑d’Urville, qu’il a une intu­ition sur les liens entre cli­mat et gaz à effet de serre. «Un soir, au retour d’un for­age, j’ai mis un glaçon vieux de plusieurs mil­liers d’années dans mon verre de whisky et j’ai vu s’échapper des bulles d’air à mesure que la glace fondait… J’ai imag­iné que ce gaz pou­vait être un témoin de l’atmosphère du passé», a‑t-il racon­té.

Claude Lorius en 2015, au fes­ti­val de Cannes © Bertrand Langlois/AFP

Une intu­ition qui l’a con­duit à étudi­er la présence de gaz à effet de serre dans l’atmosphère il y a 20 000 ans, à par­tir de l’analyse de carottes de glace — des échan­til­lons issus de for­ages pro­fonds.

Plus tard, dans les années 1980, c’est par ce même procédé que Claude Lorius et le paléo­cli­ma­to­logue Jean Jouzel ont pu recon­stituer l’histoire des gaz à effet de serre sur 160 000 ans à tra­vers des carottes de glace extraites à 2 000 mètres de la sur­face de la Terre. Ces résul­tats per­me­t­tent aux chercheurs d’établir un lien direct et inédit entre la courbe crois­sante de la con­cen­tra­tion de CO2 dans l’atmosphère et celle des tem­péra­tures. Ils con­sta­tent alors que ces courbes ont suivi des rythmes réguliers jusqu’à la révo­lu­tion indus­trielle, au milieu du 19ème siè­cle. Péri­ode à par­tir de laque­lle les tem­péra­tures s’emballent en même temps que la con­cen­tra­tion de CO2 — prou­vant ain­si l’origine humaine du change­ment cli­ma­tique.

En 2008, Claude Lorius est devenu le pre­mier Français à recevoir le prix Planète bleue — sorte de prix Nobel de l’environnement -, pour sa con­tri­bu­tion à la recherche sci­en­tifique. Au cours de sa vie, il a lut­té sans relâche pour alert­er au sujet de l’impact des activ­ités humaines sur le cli­mat. Il a été mis à l’honneur dans un film doc­u­men­taire réal­isé par Luc Jacquet en 2015, La Glace et le ciel, qui retrace son par­cours extra­or­di­naire. Il résumait alors : «À 82 ans, je suis aujourd’hui un vieil homme qui con­state que l’histoire lui a don­né rai­son».