Le tour de la question

Devez-vous boycotter la Coupe du monde au nom de l’écologie et des droits humains?

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Une attribution qui fleure la corruption, 6 500 travailleurs immigrés décédés pour construire des stades climatisés dans le désert… Les motifs pour tourner le dos à la prochaine coupe du monde ne manquent pas. Vert vous propose de peser le pour et le contre selon votre impact potentiel sur cet événement.

Vous êtes un·e footix : Spectateur·ice occasionnel·le, si vous rejoignez les 48 % des Français·es qui ne regarderont pas la Coupe du monde, vous pourrez vous épargner l’éventuel rachat d’une nouvelle télé (50 000 ventes supplémentaires lors du dernier Euro) et les publicités pénibles des champions de la malbouffe comme Coca Cola et McDonald’s. Et faire décroître la portée d’un événement dont le Qatar a besoin pour faire oublier au monde qu’il tire sa puissance des énergies fossiles qui accélèrent la crise climatique et du travail forcé.

Vous êtes un·e fan de football hardcore : Le football est trop important pour vous, et vous tenez absolument à aller voir les matchs au stade ? Peut-être pourrez-vous faire une concession au climat et éviter de faire un aller-retour en avion entre chaque rencontre, comme certain·es ont prévu de le faire à cause du prix des hôtels. De Paris à Doha, il y a 5 000 kilomètres à vol d’Airbus, de quoi émettre près de 1,5 tonne de CO2 en un seul aller-retour. Pour rappel, un humain ne devra pas dépasser deux tonnes par an dans un monde à l’équilibre climatique. Si vous y allez en char à voile, aucun problème.

Kylian Mbappe au Parc des Princes, le 10 septembre 2022. ©  FRANCK FIFE / AFP

Vous êtes rédacteur·ice en chef d’un média : Vous ne vous attendiez pas à ce que le Quotidien de la Réunion prenne les devants en annonçant son boycott de l’événement dans sa Une du 13 septembre, « au nom de (ses) valeurs. » Vous priverez-vous, comme lui, des revenus publicitaires du Mondial, sans vous interdire de relayer les « à-côtés », comme l’explique le directeur de la rédaction Vincent Vibert ? Ou jugerez-vous, à l’instar de Libération, qu’il est trop tard et peu réaliste de renoncer à couvrir les matchs, « sans occulter les controverses diplomatiques, économiques, sociales, sociétales, environnementales…».

Vous êtes un·e légende du football : Très écoutée, la voix tonitruante d’Eric Cantona dénonce « une aberration, une mascarade »… Un message relayé par le collectif Boycott Qatar 2022 qui fait le buzz sur les réseaux sociaux. Reste à savoir si vos fans choisiront comme lui de se refaire « tous les épisodes de Columbo ». Parviendrez-vous à convaincre vos anciens camarades de l’équipe de France d’en faire de même ?

Vous êtes l’attaquant star de l’équipe de France et du PSG : Vous prenez des risques : l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, est aussi propriétaire de votre club. Mais c’est aussi l’occasion de vous rattraper après les polémiques à répétition sur votre goût immodéré pour les avions de ligne et autres jets privés. Et, qui sait, de devenir la nouvelle icône mondiale de la lutte contre la crise climatique ?

Vous êtes président·e de la République française : En boycottant le mondial, vous deviendriez le premier chef d’État à prendre une position forte contre les violations des droits humains et les stades climatisés en plein air dans le désert ! En pleine crise énergétique, personne ne vous aurait imaginé tourner le dos au Qatar, l’un de vos fournisseurs d’hydrocarbures préférés – surtout pas la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier Runacher, pour qui boycotter la compétition ne change pas ses émissions de gaz à effet de serre.

La FIFA, reine du greenwashing ?

La Fédération internationale de football estime que la compétition devrait générer 3,63 millions de tonnes de dioxyde de carbone, autant qu’un pays comme le Nicaragua en une année entière. Un bilan qu’elle prétend compenser intégralement par des investissements dans des crédits carbone « reconnus et certifiés au niveau international ». Un chiffre largement sous-estimé, selon une étude de l’ONG Carbon market watch, notamment parce que les émissions liées à la construction des stades sont « potentiellement jusqu’à huit fois » plus importantes qu’annoncé. La « qualité » et « la crédibilité » du système de crédits carbone développé pour l’événement est aussi critiquée. Par ailleurs, l’association craint que cette promesse ne suscite parmi le grand public une « complaisance, aujourd’hui et dans l’avenir, à l’égard d’un tournoi dont l’empreinte carbone est importante ». Ce qui n’a pas empêché les organisateur·ices d’obtenir la norme de certification ISO 20121, une distinction internationale qui récompense les « systèmes de management responsable appliqués à l’activité événementielle ».

Pour l’association Football France écologie, qui milite pour une « transition écologique et solidaire » du sport, c’est avant tout le monde professionnel qu’il faut mobiliser et l’organisation des grandes compétitions sportives qu’il faut repenser. Auprès de Vert, son président Antoine Miche énumère différentes pistes : « revoir le cahier des charges de la Fifa, privilégier les achats éco-responsables, voire zéro déchet – promouvoir le végétarisme, privilégier la rénovation des stades plutôt que la construction du neuf, revoir la configuration des événements pour diminuer les trajets en avion…» Reste à voir le dispositif qui sera imaginé pour 2026 : la Coupe du monde aura lieu dans 16 villes à plusieurs milliers de kilomètres de distance au Mexique, au Canada et aux États-Unis.

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