L'édito

«Désastreux» : le discours de politique générale de François Bayrou fait l’impasse sur l’urgence écologique

Discours toujours. Il aura fallu attendre soixante-dix minutes pour que l’écologie jaillisse –  trop brièvement – du discours de politique générale du nouveau premier ministre devant l’Assemblée nationale, mardi 14 janvier. La priorité n’est pas là.
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Ce qu’il faut retenir

→ François Bayrou a consacré seulement 1 minute 30 à l’écologie, sur une heure et demi de son discours de politique générale, alors que l’année 2024 a été la plus chaude jamais mesurée.

→ Il a attribué les tensions dans le secteur agricole aux normes environnementales, soulignant le sentiment d’«humiliation» des agriculteur·ices face aux contrôles environnementaux.

→ Le premier ministre n’a pas lié les récents événements, comme le cyclone Chido à Mayotte, au changement climatique, ni abordé l’adaptation des territoires vulnérables.


Vous avez dit urgence climatique ? Alors que l’année 2024 a pour la première fois dépassé le seuil de +1,5°C de réchauffement, François Bayrou n’y a consacré qu’une minute et trente secondes, sur un exposé d’une heure et demi. Belle performance : c’est encore moins que ses deux prédécesseurs à Matignon, Michel Barnier et Gabriel Attal. Pour lui, il faut d’abord organiser un «conclave» sur la réforme des retraites et «désendetter» le pays, qui ne l’a jamais autant été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le toujours-maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) considère que l’écologie «n’est pas le problème, c’est la solution». Quelle chance ! Mais de quelle écologie parle-t-il ? Il a dit vouloir «finaliser la stratégie bas-carbone» et produire de l’énergie décarbonée grâce au nucléaire et à la géothermie. Nulle mention des énergies renouvelables, alors que la France est en retard sur ses objectifs. Rien sur la sobriété, ni la rénovation thermique des logements.

Autre sujet brûlant : les mobilisations des agriculteur·ices. Près d’un an – et trois gouvernements – après le début du mouvement, François Bayrou met la crise sur le dos des «normes» et des écolos. «Les agriculteurs, les paysans, avaient jusqu’à il y a peu la certitude d’être les meilleurs connaisseurs et les meilleurs défenseurs de la nature, a dit le premier ministre. Aujourd’hui, on les accuse de nuire à la nature et c’est une blessure profonde.» Et de pointer l’«humiliation» subie lorsque la police de l’environnement arrive «une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise».

François Bayrou, mardi 14 janvier, lors de son discours de politique générale devant les député·es. © Assemblée nationale

À demi-mot, il évoque aussi les tensions autour des «mégabassines» et entretient la confusion entre les bassines d’irrigation – dont l’eau est captée dans la nappe phréatique –, et les retenues collinaires – qui se remplissent avec des eaux de pluie ou de ruissellement. Le débat est renvoyé à une conférence sur l’eau, déjà évoquée par Michel Barnier.

Les occasions étaient pourtant nombreuses d’aborder les sujets écologiques. Sur Mayotte d’abord. Le passage du cyclone Chido a fait 39 morts, 124 blessés graves et un peu moins de 5 000 blessés légers, selon un premier bilan. Si le premier ministre a évoqué à plusieurs reprises cette tragédie, il a omis tout lien avec le réchauffement climatique et n’a mentionné aucun plan pour s’attaquer au vaste chantier de l’adaptation des territoires les plus vulnérables.

«Soutien au productivisme industriel ou agricole»

Sur le budget ensuite. Alors que vont s’ouvrir des discussions qui s’annoncent inflammables dans un contexte de déficit, le premier ministre aurait pu rappeler que les investissements dans la transition écologique sont primordiaux et qu’il nous coûtera plus cher, sur le long terme, de ne pas agir. Pour mettre en œuvre la transition, les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz estiment que les dépenses publiques en faveur du climat devraient s’accroître entre 25 et 34 milliards d’euros par an d’ici à 2030.

«Sur les questions environnementales, c’est assez désastreux», a réagi Antoine Gatet, président de France nature environnement. Pour l’ONG Greenpeace France, le premier ministre «confirme sa méconnaissance des enjeux environnementaux et affiche un soutien préoccupant au productivisme industriel ou agricole». Même sentiment du côté de l’association Générations futures, qui déplore que «François Bayrou flirte avec les éléments de langage des syndicats [agricoles] majoritaires».

Force est de constater que le discours n’a pas inspiré grand monde, en dehors du bloc central. Pis, «le compte n’y est pas», a réagi Boris Vallaud, chef de file socialiste à l’Assemblée. Le leader des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a qualifié l’exercice d’«enfumage». Les député·es de la France insoumise, les écologistes et les communistes ont déposé une motion de censure.

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