Le rédacteur en chef de Vert revient sur le Mondial de l’auto qui se tient cette semaine à Paris. Au programme : des «gros SUV du tur-fu». Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter le 16 octobre 2024.
Mathieu Vidard : Loup, le Mondial de l’auto s’est ouvert ce lundi, et cette année encore, c’est une grande foire aux SUV.
Je prends un peu des risques avec vous aujourd’hui, quand on connait l’amour de tant d’hommes pour leur voiture. Pour info, la dernière fois que j’ai parlé de SUV dans un média mainstream, c’était avec Konbini, et ça m’a valu à peu près 300 commentaires d’insultes sur Instagram, essentiellement sur mon physique. J’ai notamment reçu pour la première fois le qualificatif d’homme soja. Moi, l’Alsaco-périgourdin, fils illégitime d’une saucisse de Strasbourg et d’un magret de canard. Bref, je m’égare.
Alors ce qui m’intéressait de prime abord, dans ce cru 2024, c’était de découvrir la toute nouvelle Renault 4L. Je me disais : une petite voiture – électrique qui plus est – star du mondial de l’auto, c’est fou ! En me rendant sur le stand de la marque française, je m’attendais à trouver un véhicule qui ressemblerait au sympathique pot de yaourt en tôle qui a peuplé nos rues et nos routes pendant des décennies… Mais je me suis retrouvé nez à nez avec un bon gros SUV du tur-fu, aux faux airs de Jeep.
Pour que vous visualisiez un peu le machin : la 4L des années 60 pesait un peu plus de 500 kilogrammes : la version 2024 affiche plus de 1 400 kilos sur la balance. Eh, que voulez-vous, «Il y a une demande des clients pour les SUV», voilà ce que nous a dit Laure Grégoire, cheffe de produit voiture électrique chez Renault, interrogée par mon collègue Antoine Poncet, dont vous pourrez lire le reportage sur Vert. Une «demande des clients» savamment entretenue à grands renforts de publicité sur tous les supports et à toutes les heures par des constructeurs à la recherche de marges toujours plus importantes.
Aujourd’hui, ça représente quel volume, les ventes de SUV ?
Chez nous, comme dans le reste du monde, la moitié des véhicules neufs vendus sont des SUV. En France, d’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), la voiture moyenne a pris 300 kilos en 30 ans. Probablement comme tous les messieurs autour de cette table, mais pour une voiture, c’est vraiment beaucoup trop.
Et qui dit voiture plus grosse, dit voiture plus sale. Si les nouveaux moteurs sont plus efficaces – c’est-à-dire qu’ils utilisent moins de carburant par kilo transporté -, cette efficacité est en partie annulée par le fait que les voitures sont de plus en plus lourdes. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui n’est quand même pas un repaire de jongleurs de bolas, si l’on additionne les émissions de CO2 uniquement liées à la combustion de carburant de tous les SUV de la planète, on arrive à un total d’un milliard de tonnes de CO2 par an. C’est plus que ce qu’émet le Japon. D’ailleurs, l’AIE a calculé que si les SUV étaient un pays (appelons-le «Essuvistan»), celui-ci serait le 5ème plus gros émetteur de gaz à effet de serre, derrière la Russie.
Et est-ce que le SUV électrique serait une bonne solution ?
Pour le dire simplement : si on regarde le CO2, la voiture électrique c’est vraiment moins pire que la voiture thermique. Mais ça n’est pas la panacée pour autant. En France, selon les différentes études (compilées par le chercheur Aurélien Bigo), la voiture électrique émet entre deux et cinq fois moins de CO2 que la voiture thermique sur toute sa durée de vie, c’est-à-dire en comptant la construction et l’utilisation. Problème : là aussi, si on fait des véhicules de plus en plus gros et lourds, on perd en partie ces gains.
Par ailleurs, plus le véhicule est massif, plus il faudra de métaux pour sa batterie. Il prendra aussi plus de place, notamment en ville où on en manque. Et, on le sait moins, mais toutes les voitures, mêmes électriques, polluent aussi à cause de leurs pneus. Plus elles sont lourdes, plus cette pollution est importante.
Quand on voit les monstres présentés au salon de l’auto, comme le Cybertruck (électrique!) de Tesla – six mètres de long et trois tonnes -, on se met déjà un petit peu à tousser. Peu importe par quel bout on prend le sujet, si l’on veut enrayer les crises écologiques, la voiture du futur sera petite ou ne sera pas.
📻 Vert est sur France inter ! Tous les mercredis à 14h50, retrouvez une nouvelle chronique d’actualité de nos journalistes Loup Espargilière et Juliette Quef en direct dans la Terre au carré.
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