Sortir de l’invisibilisation et réclamer des mesures concrètes : les agriculteur·rices bio vont à la rencontre des député·es pour empêcher leur filière de sombrer dans l’oubli après les récentes manifestations du secteur agricole français.
La mobilisation du monde agricole aura laissé le champ libre aux syndicats majoritaires du secteur, représentants d’une agriculture intensive et productiviste. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs auront notamment obtenu du gouvernement un assouplissement des règlementations environnementales. La mise en pause du plan Ecophyto — qui vise la diminution drastique du recours aux pesticides — jusqu’au prochain Salon de l’agriculture (24 février‑3 mars), en constitue peut-être la mesure la plus emblématique.
«À part la promesse de renforcer les contrôles sur les pratiques commerciales de la grande distribution et sur l’origine des produits alimentaires, c’est difficile de trouver des points positifs dans les récentes mesures gouvernementales, confie à Vert Philippe Camburet, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Ce qu’on constate, c’est une fuite en avant vers des pratiques agricoles toujours plus industrielles et radicales, avec une perte de pouvoir notable d’instances comme l’Office français de la biodiversité».
Ces nouvelles orientations interviennent dans un contexte plus que morose pour la filière bio, qui bannit pesticides de synthèse et engrais minéraux, et tente de préserver la biodiversité. Si le nombre de fermes bio a triplé depuis les années 2010, pour atteindre, en 2022, 14% des 390 000 exploitations agricoles que compte le pays, les difficultés s’accumulent.
Au premier rang : la désaffection des consommateur·rices pour leurs produits, perçus comme toujours plus chers. «Les gens se sont détournés du bio, parce qu’ils pensent que c’est cher, alors que l’inflation est moins forte dans ce secteur», se désolait récemment Laure Verdeau, à la tête de l’Agence bio, dans une interview au Monde. Résultat : «Cette mauvaise réputation entraîne un recul difficile à combattre, reconnaît Philippe Camburet. On est aujourd’hui à 6% pour la part des produits bio consommés en France. C’est très loin de ce qui se passe au Danemark et même aux États-Unis.»
Le paiement avec parfois jusqu’à trois ans de retard des aides à la conversion en bio a mis à genoux de nombreuses exploitations. Les 50 millions d’euros de soutien récemment promis par le gouvernement représentent une «aumône» de quelque 833 € par ferme, déplore la Fnab.
Après l’Assemblée nationale, les acteurs du bio se saisiront du Salon de l’agriculture pour porter leurs revendications. Une campagne d’information à destination du grand public tentera de remettre la bio au centre de l’agenda agricole et politique.