Salles de classe mal isolées, cours de récréation bétonnées… Les écoles françaises peinent à s’adapter aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses. Ce mardi 1er juillet, plus de 1 350 classes sont fermées. Et, dans la majorité des 45 000 autres, les élèves seront accueilli·es malgré des températures extrêmes, dépassant par endroit les 40 degrés (°C). Dimanche, l’Éducation nationale a communiqué des instructions aux recteurs, pour garantir au maximum la sécurité des élèves et des membres du personnel : rester dans des salles à l’ombre, fermer les volets ou encore maintenir les fenêtres fermées… Rien de très rassurant pour le personnel enseignant.
Sur France info, Aurélie Gagnier, porte-parole de la FSU-Snuipp, syndicat du 1er degré, alerte ce mardi : «Les écoles ne sont pas préparées : beaucoup d’entre elles n’ont pas de rideaux, pas de volets, de ventilateurs.» Il est urgent, selon elle, de mettre en place «un plan de financement d’ampleur pour rénover et végétaliser les écoles».

Brasseurs d’air, végétalisation des cours, climatisation… à quoi ressemblerait une école mieux adaptée au réchauffement climatique ? Vert a posé la question à Alexandre Florentin, conseiller de Paris et spécialiste des enjeux d’adaptation urbaine au changement climatique.
Quels problèmes les canicules posent-elles pour les écoles ?
Historiquement, les canicules survenaient surtout en juillet et août, donc hors période scolaire, ce qui ne posait pas de problème. Mais le changement climatique a tout bouleversé : aujourd’hui, les vagues de chaleur sont plus fréquentes, plus longues, plus intenses, et surtout plus précoces et tardives, touchant mai, juin, septembre, voire octobre. Ça a déjà commencé à perturber le fonctionnement des écoles – fermetures ponctuelles de classes, examens perturbés à l’image du brevet. En septembre 2023, on a même enregistré 44°C dans une école d’Île-de-France ! Ces épisodes, qui étaient exceptionnels et locaux, se généralisent à l’ensemble du territoire. Une étude récente montre que, d’ici à 2030, 100% des écoles en Île-de-France seront exposées à des vagues de chaleur dépassant 35°C. L’enjeu est donc clair : il faut agir vite.
Que peut-on faire pour rendre les écoles plus supportables quand il fait chaud ?
À court terme, des mesures simples peuvent améliorer les conditions : installer des brasseurs d’air (ventilateurs au plafond), très courants dans les pays chauds comme le Brésil, qui favorisent la circulation de l’air et réduisent la sensation de chaleur. On peut aussi poser des filtres sur les fenêtres pour laisser passer la lumière, tout en limitant l’entrée de chaleur. Ces solutions sont efficaces et rapides à déployer.
Sur le moyen terme, il est possible de repenser les cours d’école en les «débitumant» : remplacer le bitume par des matériaux plus clairs, du bois, végétaliser la cour avec des plantes qui évaporent de l’eau et apportent de la fraîcheur, installer des points d’eau ou des brumisateurs pour abaisser la température ambiante. C’est ce qui a déjà été fait à Paris dans plusieurs cours «oasis».
Et à plus long terme ?
Il faut impérativement engager une rénovation lourde des écoles pour les rendre climato-résilientes. Cela passe par des techniques comme l’ombrage, la végétalisation ou l’aération… Je parle notamment d’ouvrants sécurisés qui permettent une ventilation nocturne : de petites fenêtres que l’on peut ouvrir pour créer un courant d’air, mais par lesquelles un humain ne peut pas passer. Des dispositifs comme des casquettes solaires au-dessus des fenêtres, aussi, qui empêcheront le soleil d’entrer en plein été.
On peut également intégrer des systèmes comme la géothermie, qui offre chauffage l’hiver et fraîcheur l’été, avec une faible consommation électrique. Associée à des panneaux solaires pour l’autoconsommation, cette solution serait très résiliente et durable.
Il faudra prévoir des fermetures temporaires d’écoles pour réaliser ces travaux importants, en répartissant les élèves dans d’autres établissements voisins.
Quelle place pour la climatisation dans cette transition ?
La climatisation doit être vue comme un outil parmi d’autres. Elle est indispensable dans certains lieux sensibles, comme les hôpitaux ou les Ehpad, où la protection des personnes vulnérables est prioritaire. Refuser totalement la climatisation serait irresponsable, car la chaleur tue. En revanche, l’usage massif et incontrôlé de la clim accentue l’effet d’îlot de chaleur urbain et plombe les efforts de végétalisation. À Paris, si tout le monde utilisait la clim, la température moyenne pourrait augmenter de 2°C supplémentaires.
Le défi est donc de définir des usages raisonnés, sociaux et partagés de la climatisation, afin de limiter son impact environnemental, tout en assurant la sécurité et le confort des plus fragiles.
Transformer les écoles est-il une urgence ?
Quand l’école est impactée, ce n’est pas qu’un problème scolaire, c’est une désorganisation de toute la société. L’école est un pilier de stabilité sociale. Pendant la pandémie de Covid, on a vu à quel point la fermeture des établissements affecte les parents, les professionnels de santé, les services publics. Si les crèches ferment trois jours ou plus, les familles sont en difficulté pour trouver des solutions, ce qui peut bloquer d’autres secteurs essentiels. Les canicules sont des crises prévisibles, ce qui nous donne une chance de mieux anticiper, mais il faut en prendre la mesure immédiatement.