Portrait

À dix ans, il rappe pour le climat

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Micro cli­mat. Depuis trois ans, César chante pour inter­peller le grand pub­lic sur les défis du change­ment cli­ma­tique. Une façon de sen­si­bilis­er sans accuser et qui plait sur les réseaux soci­aux. Por­trait.

Les sour­cils plis­sés, le regard pesant, César débite sur la musique : «guerre, famine, cat­a­stro­phes, extinc­tion : annonce le Giec». Les images du réchauf­fe­ment cli­ma­tique défi­lent der­rière le garçon, aujourd’hui âgé de 10 ans. Un ban­deau prévient : «pro­gramme décon­seil­lé aux âmes sen­si­bles». Ces mots d’adultes dans une bouche d’enfant inter­pel­lent sur les réseaux soci­aux où César est de plus en plus suivi. Sa dernière chan­son sur l’«écoterrorisme», en col­lab­o­ra­tion avec le col­lec­tif de désobéis­sance civile Dernière Réno­va­tion, compt­abilise près de 53 000 vues sur Insta­gram. En quelques mois, le «rappeur cli­ma­tique» est aus­si bien inter­venu dans l’émission de télévi­sion de M6 «La France a un incroy­able tal­ent», qu’au lance­ment d’un groupe par­lemen­taire sur le traite­ment de l’urgence cli­ma­tique dans les médias. «On n’imaginait pas du tout ça», recon­nait le jeune garçon à la matu­rité décon­cer­tante.

Le message passe mieux lorsqu’il est transmis par des enfants

Fils unique de deux par­ents très engagés pour l’environnement, César a gran­di au nord de Nantes bien plus vite que les autres. «À table, on par­le de l’urgence cli­ma­tique et le pau­vre, il entend tout», sourit Pas­cal Richi­er, son père. En plein con­fine­ment, la famille s’enthousiasme pour le clip de Baba Brinkman «IPCC rap», un rappeur cana­di­en qui vul­garise les savoirs sci­en­tifiques sur le cli­mat. Et décide de traduire la chan­son en français, qui devient «Giec Rap». «Papa chan­tait comme une casse­role, alors j’ai demandé si je pou­vais le faire tout seul», racon­te César.

César chante régulière­ment pour des «open mic» et des scènes ouvertes à Nantes. © Pas­cal Richi­er

Comme Gre­ta Thun­berg avant lui, l’enfant ques­tionne les adultes sur leur aveu­gle­ment. La méth­ode porte ses fruits. Le jeune chanteur est invité à se pro­duire à Nantes lors d’une marche pour le cli­mat organ­isée par le col­lec­tif Youth for Cli­mate en mars 2022. Un rappeur engagé de la région, Adam l’ancien, le remar­que et l’incite à par­ticiper à des scènes ouvertes. «Un point de bas­cule», selon le père. «Une dose folle de dopamine», d’après le fils, qui dit vouloir y retourn­er.

Clips, con­certs et nom­breux posts sur les réseaux soci­aux ; le duo père-fils ne cache pas sa volon­té de touch­er tou­jours plus de pub­lic. Il jure aus­si que le prin­ci­pal objec­tif reste de ne «pas dépass­er les 2 degrés de réchauf­fe­ment glob­al [par rap­port à l’ère préin­dus­trielle, NDLR]». Mais la vis­i­bil­ité apporte égale­ment son flot de cri­tiques et de nom­breux inter­nautes s’interrogent sur la matu­rité de César et les moti­va­tions de ses par­ents. «On le laisse tou­jours décider», promet son père, en pré­cisant qu’ils vien­nent de dépos­er un dossier pour le faire recon­naître comme «enfant du spec­ta­cle». Un statut exigé par l’ad­min­is­tra­tion à chaque évène­ment pour per­me­t­tre à César de sign­er des con­trat et touch­er de l’argent.

«Giec Rap», adap­ta­tion de la chan­son «IPCC» (acronyme anglais du GIEC) de Baba Brinkman. © cesar­musique­off

En atten­dant, le jeune rappeur assure que son activ­ité est com­pat­i­ble avec sa sco­lar­ité et ses nom­breuses occu­pa­tions extrasco­laires. «Pour tra­vailler les punch­lines, on prend l’enceinte sur le vélo et on chante», racon­te-t-il. À tra­vers la musique, César et son père souhait­ent d’abord créer de «nou­veaux imag­i­naires» et mon­tr­er que l’écologie ça peut aus­si «être drôle». «Quand tu pens­es à ce que la musique peut provo­quer dans le pub­lic, il faut que je le fasse. On y arrivera comme ça», promet César. La crise cli­ma­tique ferait-elle aus­si mûrir les enfants plus vite ?