La quotidienne

Climat : à “Géo”, maîtrise variable

Chères toutes et chers tous...


Le changement climatique, c'est géologique. Mais certains, comme Géo, en perdent la logique.


Géo : le magazine du voyage en route vers le climato-rassurisme

Comment un titre réputé comme Géo a-t-il pu relayer des propos ouvertement climatosceptiques dans un récent entretien publié sous pseudonyme ? Plongée à travers l’histoire du magazine, ses conditions de travail difficiles et la vision du monde promue par sa direction, faite de foi aveugle dans le progrès technologique, à rebours des alertes des scientifiques.

Plus vert que vert. En Une du dernier hors-série de Géo intitulé « Une planète plus belle, c’est possible ! », paru le 20 avril dernier, cette promesse : un tour du monde des « solutions et expériences crédibles » contre les crises écologiques.

La couverture du dernier numéro hors-série de Géo

Au fil des 146 pages, on retrouve la recette qui a fait le succès de Géo : de superbes photos, des textes aérés et des reportages au long cours. Ceux-ci sont consacrés aux innovations déployées partout dans le monde pour adapter nos modes de vie à un futur « déjà là », comme le rappelle l’édito de Jean-Luc Coatalem, le rédacteur en chef adjoint. Hélas, malgré un contenu de qualité, notre attention a été retenue par l’entretien accordé à l’essayiste américain Michael Shellenberger.

Autrefois militant écologiste, ce dernier promeut maintenant l’« écomodernisme », idée selon laquelle seul·es la technologie, le progrès et la croissance économique nous sauveront de la crise écologique. Dans l’interview, on peut lire que « les émissions de carbone ont diminué au niveau mondial au cours de la dernière décennie ». Pour prouver ses dires, il prend l’exemple des récentes diminutions constatées en Europe et aux États-Unis. Hélas, non, les émissions de carbone ne sont pas en baisse à l’échelle globale.

Ce discours climato-rassuriste repose sur du cherry picking (ou « picorage », une technique qui consiste à se concentrer seulement sur une partie des données qui semble confirmer une théorie) – ici, en s’appuyant sur les seuls pays développés. Si elles ont moins augmenté ces dernières années, les émissions continuent de croître au niveau mondial et ont connu de nouveaux sommets en 2021, d’après les derniers chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (notre article). En outre, « depuis 2011, les concentrations en CO2 dans l’atmosphère ont continué d’augmenter pour atteindre des moyennes annuelles de 410 parties par million », peut-on lire dans le dernier rapport du Giec, aggravant toujours davantage la crise climatique.

Lisez la suite de notre enquête sur le site de Vert.

· Mardi, les autorités européennes chargées d’établir la dangerosité du glyphosate en vue d'un renouvellement - ou non - de son autorisation de mise sur le marché ont repoussé la publication de leurs conclusions à juillet 2023. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) ont revu leur calendrier en raison de la quantité « sans précédent » d’observations reçues. L’autorisation de l'herbicide classé cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui expire en décembre 2022, sera prolongée à défaut jusqu’à la fin du processus d’évaluation. - Le Monde

· Mercredi, l’association Canopée a saisi la Commission européenne au sujet des « dérives du plan français de plantation d’arbres ». En cause : les mesures du volet forestier du plan de relance, financé à hauteur de 40% par l’Union européenne, qui prévoit la plantation de 140 millions d’arbres, mais pourrait menacer 45 000 hectares de forêts en bonne santé en favorisant les coupes rases, très néfastes pour la biodiversité (notre article sur le sujet). - Reporterre

· L'Ethopie connaît sa « pire sècheresse jamais vécue » des mots du Monde Afrique et les conséquences en seront désastreuses pour les populations nomades. Ce pays de la corne de l’Afrique, une région actuellement touchée par une famine qui menace près de treize millions de personnes, voit ses cheptels ravagés, et l’insécurité alimentaire de sa population augmenter alors que l’est du pays n’a quasiment pas vu une goutte de pluie depuis dix-huit mois.

Cliquez sur le graphique pour l'afficher en grand © The Guardian, traduction par Vert

Pari à tout prix. Le Guardian publie ce jeudi une imposante enquête consacrée à 195 « bombes climatiques » actuellement développées par les 12 plus grosses compagnies pétrolières et gazières du monde. Ces projets sont capables d'émettre chacun plus d'un milliard de tonnes (gigatonne) de CO2 sur toute leur durée d'exploitation. Alors que 60% d'entre eux sont déjà en fonctionnement, le Guardian prévient que leur exploitation complète reviendrait à mettre le feu à la planète. Les scientifiques du Giec recommandent en effet d'inverser la courbe des émissions de CO2 avant 2025 pour conserver un climat vivable (Vert) ; or, ces projets représentent à eux seuls 17 années d'émissions aux niveaux actuels. Seuls les États seraient en mesure de les stopper, mais le Guardian constate leur « hypocrisie de première classe ». En effet, ce sont des compagnies d’État qui nourrissent les projets les plus mortifères : Qatar Energy, Saudi Aramco (Arabie Saoudite), Gazprom (Russie) ou encore PetroChina. Du reste, les sociétés privées, telles que ExxonMobil, TotalEnergies, Chevron, Shell ou BP, voient leurs permis validés et leur activité grassement subventionnée par les gouvernements (Vert). Notre article détaillé sur vert.eco

La crise énergétique conforte plus que jamais les énergies renouvelables

Énergies des espoirs. Alors que les marchés de l'énergie deviennent de plus en plus fous, les renouvelables sont devenues une valeur refuge. En France, elles permettent même de renflouer les caisses de l’État.

Les effets conjugués de la reprise économique post-Covid et de l'invasion russe en Ukraine ont mis les marchés mondiaux de l'énergie sens dessus dessous. Dans la confusion actuelle, les énergies renouvelables tirent largement leur épingle du jeu, constate l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans une récente note. Après 2020 et 2021, le secteur devrait battre de nouveaux records en 2022 pour atteindre le seuil symbolique des 300 gigawatts (GW) installés. L’Europe doit d'ailleurs détailler le 18 mai prochain son projet REPowEU de réduction de la dépendance au gaz russe via l’accélération des renouvelables et de l'efficacité énergétique.

À Gardanne (Bouches-du-Rhône), une centrale photovoltaïque surplombe la centrale à charbon. © Anne-Claire Poirier

Certes, le coût de développement des énergies renouvelables est, lui aussi, reparti à la hausse en 2021 après une décennie de baisse continue, reconnaît l’AIE. Le secteur souffre notamment des tensions sur certaines matières premières, dont l'acier et le cuivre, ou encore de l'envolée des prix du fret maritime. En 2022, les prix devraient même augmenter de 15% à 25% selon les technologies. « Significative dans l'absolu, cette hausse n'entamera pas leur compétitivité car les prix des énergies fossiles ont cru bien plus rapidement encore depuis le dernier trimestre 2021 », estime l'AIE.

En France, les énergies renouvelables sont même devenues depuis peu une source de revenus pour l'État, grâce au système de subventionnement mis en place. De nombreuses installations d'énergies renouvelables bénéficient d'un contrat dit « de complément de rémunération » avec l’État sur quinze ou vingt ans. À partir d'un prix convenu à l'avance, l’État s'engage à verser un complément au producteur si les prix de marché sont trop faibles. À l'inverse, quand ils sont supérieurs - comme c'est le cas actuellement -, le producteur doit reverser à l’État ses surprofits. Selon le lobby éolien France Énergie Éolienne, les énergies renouvelables devraient ainsi générer 14,4 milliards de revenus pour l’État en 2021-2022 (Novethic). À ce rythme, elles pourraient avoir remboursé en quelques années, l'intégralité des subventions reçues depuis vingt ans.

Un peu de Chaleur humaine

Si le lexique associé au changement climatique est désormais passé dans le langage courant, les conséquences concrètes de la transition ne sont pas encore bien comprises : quels impacts pour l’emploi, l’éducation ou le pouvoir d’achat ? Quels secteurs économiques vont être transformés, et à quel rythme ? Les enjeux climatiques vont-ils bouleverser le fonctionnement de la démocratie ? Autant de questions auxquelles le journaliste du Monde, Nabil Wakim, tentera de répondre dans un nouveau podcast et une newsletter baptisés Chaleur humaine. Un premier épisode, diffusé le 10 mai, se demande « par quoi Macron doit-il commencer ? ».

© Le Monde

+ Loup Espargilière, Anne-Sophie Novel, Justine Prados et Anna Sardin ont contribué à ce numéro