L'édito

Bruno Le Maire, un presque candidat en croisade contre les services publics

  • Par

Il l’a vrai­ment dit. Bruno Le Maire veut sor­tir «une bonne fois pour toutes du mirage de la gra­tu­ité uni­verselle».

Dans une folle inter­view ce week­end au Jour­nal du dimanche, titre naufragé à l’extrême droite depuis sa reprise en main en 2023 par Vin­cent Bol­loré, le min­istre de l’Économie Bruno Le Maire a livré sa vision (prési­den­tielle ?) pour la France. Une vision ultra-libérale à rebours des enjeux soci­aux et écologiques de notre époque.

Le locataire de Bercy appelle, ni plus ni moins, à en finir avec l’E­tat-prov­i­dence — «une machine à empil­er de nou­velles dépens­es publiques» -, et à détri­cot­er ain­si les pro­tec­tions sociales instau­rées dans la con­corde nationale de l’après-Seconde Guerre mon­di­ale.

Bruno Le Maire lors de ses vœux pour la nou­velle année au min­istère de l’Économie en jan­vi­er 2024. © Bertrand Guay/AFP

Usant des moyens rhé­toriques les plus déloy­aux, il fait de la réduc­tion des dépens­es publiques l’unique façon de sauver ce qui peut l’être. Exem­ple : «Nous voulons faire des urgences à l’hôpital une pri­or­ité ? Alors renonçons à d’autres dépens­es moins pri­or­i­taires», dit-il, omet­tant les autres leviers à sa dis­po­si­tion. Comme la tax­a­tion des revenus et pat­ri­moines les plus élevés, forte­ment allégée depuis l’arrivée au pou­voir d’Emmanuel Macron en 2017.

Il espère ain­si «repren­dre la maîtrise de ce sys­tème devenu incon­trôlable. Quel est en fait son but ultime ? La gra­tu­ité de tout, pour tous, tout le temps : c’est inten­able».

En réal­ité, Bruno Le Maire veut défaire la sol­i­dar­ité de la nation pour que plus rien n’échappe à l’individualisme du marché. Car rien n’est réelle­ment «gra­tu­it». L’assurance chô­mage est payée par les chômeurs : ils ont cotisé pour ça. L’assurance mal­adie est financée par des malades, passés ou futurs.

«Les ser­vices publics, c’est le pat­ri­moine de ceux qui n’en ont pas», selon l’expression con­sacrée. Une phrase d’une actu­al­ité brûlante alors que fait rage la crise cli­ma­tique, dont on sait par­faite­ment qu’elle sur­chauffe les loge­ments des plus pré­caires, aggrave les prob­lèmes de san­té et con­tin­ue de creuser les iné­gal­ités. Les plus pau­vres paieront cash la libéral­i­sa­tion à marche for­cée.

Pour pro­téger la pop­u­la­tion et accom­plir les tran­si­tions req­ui­s­es à l’heure des grands cham­boule­ments, la crise cli­ma­tique réclame pré­cisé­ment des ser­vices publics effi­caces. Et de sor­tir une bonne fois pour toutes du mirage du marché uni­versel.