Il l’a vraiment dit. Bruno Le Maire veut sortir «une bonne fois pour toutes du mirage de la gratuité universelle».
Dans une folle interview ce weekend au Journal du dimanche, titre naufragé à l’extrême droite depuis sa reprise en main en 2023 par Vincent Bolloré, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a livré sa vision (présidentielle ?) pour la France. Une vision ultra-libérale à rebours des enjeux sociaux et écologiques de notre époque.
Le locataire de Bercy appelle, ni plus ni moins, à en finir avec l’Etat-providence – «une machine à empiler de nouvelles dépenses publiques» -, et à détricoter ainsi les protections sociales instaurées dans la concorde nationale de l’après-Seconde Guerre mondiale.
Usant des moyens rhétoriques les plus déloyaux, il fait de la réduction des dépenses publiques l’unique façon de sauver ce qui peut l’être. Exemple : «Nous voulons faire des urgences à l’hôpital une priorité ? Alors renonçons à d’autres dépenses moins prioritaires», dit-il, omettant les autres leviers à sa disposition. Comme la taxation des revenus et patrimoines les plus élevés, fortement allégée depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017.
Il espère ainsi «reprendre la maîtrise de ce système devenu incontrôlable. Quel est en fait son but ultime ? La gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c’est intenable».
En réalité, Bruno Le Maire veut défaire la solidarité de la nation pour que plus rien n’échappe à l’individualisme du marché. Car rien n’est réellement «gratuit». L’assurance chômage est payée par les chômeurs : ils ont cotisé pour ça. L’assurance maladie est financée par des malades, passés ou futurs.
«Les services publics, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas», selon l’expression consacrée. Une phrase d’une actualité brûlante alors que fait rage la crise climatique, dont on sait parfaitement qu’elle surchauffe les logements des plus précaires, aggrave les problèmes de santé et continue de creuser les inégalités. Les plus pauvres paieront cash la libéralisation à marche forcée.
Pour protéger la population et accomplir les transitions requises à l’heure des grands chamboulements, la crise climatique réclame précisément des services publics efficaces. Et de sortir une bonne fois pour toutes du mirage du marché universel.