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Avec la nomination de Christiane Taubira, la primaire populaire ajoute à la division de la gauche

Christiane Taubira avait promis qu’elle ne serait pas « une candidate de plus »; c’est pourtant ce qui s’est produit ce dimanche, avec sa victoire à la primaire populaire - cette expérience démocratique qui voulait unir la gauche autour de 30 propositions écologiques et de justice sociale. Le parti socialiste compte désormais deux prétendantes à l’élection présidentielle et la gauche part plus divisée que jamais. 
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« Chris­tiane Taubi­ra obtient la meilleure men­tion majori­taire avec un bien plus », annonce d’une voix blanche l’avocate Clara Gérard-Rodriguez devant les sou­tiens de la pri­maire pop­u­laire réu­nis, dimanche soir, au Tra­ben­do, dans le nord-est de Paris. Le vote en ligne au scrutin majori­taire (Vert) qui a réu­ni 393 000 votant·es, s’est clos quelques heures plus tôt. Yan­nick Jadot arrive en deux­ième posi­tion et obtient une men­tion « Assez bien plus », Jean-Luc Mélen­chon « Assez bien moins », Pierre Lar­routur­ou « Pass­able plus », Anne Hidal­go « Pass­able plus », Char­lotte Marchan­dise « Pass­able moins » et enfin Anna Agueb-Por­terie « Insuff­isant ». Ce sys­tème de nota­tion inhab­ituel a sus­cité les rail­leries des inter­nautes, qui y ont vu un « con­seil de classe ». 

L’an­nonce de chaque nom déclenche les mêmes applaud­isse­ments d’un pub­lic rompu au con­sen­sus. Mais der­rière les louanges publiques, certain·es grin­cent des dents. « Je suis Insoumis à la base, ça va être dif­fi­cile de con­tin­uer », s’étrangle un cadre du mou­ve­ment. « Les Insoumis ont boy­cotté le vote, il ne faut pas s’étonner du résul­tat ».

Quelques min­utes aupar­a­vant, l’écho est unanime dans la salle pour louer la dynamique enclenchée par la pri­maire pop­u­laire. Mil­i­tant écol­o­giste de 18 ans, Sacha va vot­er pour la pre­mière fois : « Il n’y avait aucun can­di­dat pour lequel je voulais vot­er à 100%. Le socle com­mun cor­re­spond à mes valeurs et je suis prêt à faire cam­pagne pour le can­di­dat vain­queur ce soir », racon­te-t-il à Vert.

Assis­es au pre­mier rang des sou­tiens, on aperçoit la soci­o­logue Dominique Méda, la jour­nal­iste et réal­isatrice Marie-Monique Robin ou encore la mil­i­tante du par­ti Nou­velle donne, Anne Hes­sel. Auprès de Vert, celle-ci se félicite de l’énergie de cette « pre­mière généra­tion entière­ment con­va­in­cue qui lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique et qui a un incroy­able respect envers ceux qui sont jeunes depuis plus longtemps ». D’une voix calme, elle fustige « une gauche qui fait sem­blant d’être divisée ».

Mais lorsqu’on leur demande si elles ou ils fer­ont cam­pagne pour n’importe lequel ou laque­lle des candidat·es qui sor­ti­rait des urnes, plusieurs sympathisant·es font réson­ner des silences élo­quents. Kevin Elar­bi, 32 ans, proche du PS et auteur sur les thé­ma­tiques LGBT+, avoue ne pas avoir réfléchi à ce qu’il ferait si un·e autre candidat·e que ses favorites — Chris­tiane Taubi­ra et Anne Hidal­go — l’emportait : « J’aurais un petit temps de “glup” » — il dég­lu­tit. Avant de se repren­dre : « glob­ale­ment, il y a une homogénéité et une con­stance dans les valeurs ».

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Chris­tiane Taubi­ra a reçu près de 50% de men­tions “Très bien”, arrivant large­ment en tête du scrutin.

Avec 393 000 participant·es (84% des inscrit·es au vote), la pri­maire pop­u­laire peut se tar­guer d’une forte mobil­i­sa­tion que les candidat·es de la gauche auront du mal à ignor­er. Porte-parole du par­ti social­iste, Lau­rent Baumel retient « un fait poli­tique. Chez nous comme ailleurs, cha­cun devra débat­tre et en tir­er les con­séquences ». Au plus bas dans les sondages, le PS se retrou­ve avec deux can­di­dates sur la ligne de départ – dont l’officielle, arrivée en cinquième place der­rière l’eurodéputé Pierre Lar­routur­ou, vient de subir un sévère cam­ou­flet.

Dans la foulée de l’annonce des résul­tats, Chris­tiane Taubi­ra s’est empressée de sign­er le « con­trat de rassem­ble­ment » de la pri­maire pop­u­laire et a invité les débouté·es à s’unir. « Notre sort appelle aujourd’hui l’union et le rassem­ble­ment. Je leur dirai que je sais leurs réti­cences, mais aus­si leurs intel­li­gences », a‑t-elle lancé devant ses partisan·es, à Paris.

Un appel immé­di­ate­ment bal­ayé d’un revers par les candidat·es déjà lancé·es dans la cam­pagne. « Une can­di­da­ture de plus, c’était exacte­ment l’inverse de ce que souhaitait la Pri­maire pop­u­laire », a tancé Yan­nick Jadot, invité du 20 heures de TF1. Même son de cloche du côté d’Anne Hidal­go et de Jean-Luc Mélen­chon, qui se sont exprimés sur France 5. « Je pro­pose que Hol­lande se déclare main­tenant », a iro­nisé San­drine Rousseau, prési­dente du con­seil poli­tique de Yan­nick Jadot, sur Twit­ter. Quant à Anna Agueb-Por­terie qui avait accep­té les règles de la Pri­maire, elle a finale­ment annon­cé rejoin­dre les rangs de la France insoumise. 

A deux mois et demi de l’élection prési­den­tielle, l’ancienne min­istre de la Jus­tice vient grossir les rangs, déjà bien gar­nis, des can­di­da­tures à gauche. La faute à la pri­maire pop­u­laire ? « Les par­tis n’ont pas joué le jeu. Pour moi, c’est une erreur poli­tique », regrette Alain Coulombel, porte-parole EELV, présent au Tra­ben­do. Prochaine étape, ont annon­cé les porte-paroles de la Pri­maire, Mathilde Imer et Samuel Grzy­bows­ki : « faire cam­pagne et lut­ter con­tre l’abstention ».