Après l’effondrement, l’inondation ? Depuis jeudi, les autorités suisses s’inquiètent de la formation d’un lac artificiel, et d’une possible crue torrentielle dans la vallée de Lötschental, après l’éboulement de millions de mètres cubes de glace et de roche sur le village de Blatten, dans les Alpes suisses, mercredi 28 mai.

L’effondrement du glacier de Birch, dans le canton suisse du Valais, était attendu depuis plusieurs jours, après de nombreuses chutes de roche dans la partie montagneuse qui le surplombe. Les trois cents habitant·es avaient été évacué·es, mais une personne, âgée de 64 ans, est portée disparue.
Mercredi, en quarante secondes, le village a disparu sous la roche et la glace. Les images diffusées sur Youtube montrent un immense nuage de glace et de gravats dévalant la pente de la montagne surplombant la vallée. La force et la vitesse du nuage étaient telles qu’il a poursuivi sa course sur la pente opposée de la vallée. Le phénomène a été enregistré par toutes les stations sismiques du pays. Ce sont «trois millions de mètres cubes de roches qui sont tombés d’un coup sur le glacier, l’emportant avec eux» dans la vallée, a expliqué mercredi soir Raphaël Mayoraz, le responsable cantonal en charge de la gestion des dangers naturels.
Depuis l’effondrement du glacier, un lac artificiel s’est formé à la place du village et ne cesse de gonfler. Il monte de 80 centimètres chaque heure, à cause de la chaleur qui fait fondre la neige et la glace. L’effondrement du glacier a bloqué la rivière Lonza, qui passe à cet endroit, faisant craindre des inondations dans la vallée de Lötschental. «Un gros risque d’embâcle existe et pourrait inonder la vallée en contrebas», selon Antoine Jacquod, un responsable de la sécurité civile et militaire du canton du Valais, qui fait allusion à l’accumulation de roche, de glace et de terre, qui obstrue la rivière.
Possible évacuation de la vallée
Par précaution, seize personnes ont été évacuées dès mercredi soir dans deux villages situés en aval de la zone sinistrée. Un barrage artificiel a été préventivement vidé pour contenir l’eau refoulée par le mur de glace, de terre et de gravats. Si l’eau venait à déborder de ce barrage artificiel, il faudrait évacuer la vallée.
«L’embouteillage est d’environ deux kilomètres de long sur la Lonza […] c’est comme une montagne et cela crée un petit lac qui devient de plus en plus grand», reprend Raphaël Mayoraz.
Le gouvernement cantonal du Valais a demandé à l’armée de fournir des pompes pour sécuriser le lit de la rivière, ainsi que des appareils de déblaiement. «Savoir quand on pourra concrètement intervenir demeure actuellement une grande inconnue», admet Antoine Jacquod. Pour l’heure, les chutes de pierre persistent, ce qui complique l’envoi de sapeurs-pompiers ou de militaires sur le site pour évacuer et pomper l’eau.
Ces dernières années, les glaciologues suisses ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de la fonte des glaces, largement attribuée au réchauffement climatique. Ce dernier a accéléré le recul des glaciers, ces immenses masses de glace qui se forment sous le poids des chutes de neige, et il amplifie l’érosion.
D’après une étude publiée dans la revue Science en 2023, la moitié des glaciers du monde devrait disparaître d’ici 2100, y compris si le réchauffement climatique se limite à +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle) — l’objectif visé par les signataires de l’Accord de Paris sur le climat en 2015. Selon plusieurs études, le réchauffement pourrait déjà avoir atteint +1,7°C.