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Après le projet Neom, des salariés d’EDF réclament un droit à «ne pas trahir sa conscience»

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Cafard Neom. Après la sig­na­ture par la direc­tion d’EDF d’un pro­jet polémique de cen­trale hydroélec­trique dans le désert saou­di­en, des salariés deman­dent la créa­tion un droit de retrait envi­ron­nemen­tal et éthique.

Révélé ven­dre­di 1er mars par les jour­nal­istes de France Info, le pro­jet Nestor de con­cep­tion d’une cen­trale hydroélec­trique en Ara­bie Saou­dite irrite les salarié·es d’EDF depuis ses prémiss­es en 2021. Prin­ci­pale cause : l’électricité pro­duite par cette puis­sante cen­trale de 2100 mégawatts ali­mentera la méga­lo­pole con­tro­ver­sée de Neom, qui sort de terre actuelle­ment dans la province déser­tique de Tabuk, au nord-ouest du pays.

Moyen­nant l’expulsion, la répres­sion voire l’exécution d’opposants locaux, Neom se pré­pare à accueil­lir sur 26 000 km² une sta­tion de ski où auront lieu les Jeux asi­a­tiques d’hiver de 2029, une «île de luxe» sur la mer Rouge ou encore une ville-immeu­ble de 170 kilo­mètres de long, bap­tisée the Line. «Éthique­ment c’est com­pliqué», con­fie à Vert un con­nais­seur du dossier. «EDF a déjà mené des pro­jets de décar­bon­a­tion en Ara­bie Saou­dite mais là c’est dif­férent. On est loin des impérat­ifs de sobriété», prévient-il. «Ce pro­jet pharaonique nous sem­ble en con­tra­dic­tion avec les valeurs de l’entreprise et avec notre tra­di­tion de ser­vice pub­lic», con­firme Jean-Yves Ségu­ra, délégué Force ouvrière (FO) à EDF Hydro. « Et on se sert d’EDF et des éner­gies renou­ve­lables pour essay­er de le légitimer », regrette-t-il encore.

Tro­je­na, la «des­ti­na­tion mon­tagne» de Neom accueillera les Jeux asi­a­tiques d’hiver de 2029, au bord d’un immense lac arti­fi­ciel. © Neom

«On a com­mencé notre devoir d’alerte en 2022», explique le syn­di­cal­iste, soit quelques mois après qu’EDF ait été choisi par la Neom Com­pa­ny pour iden­ti­fi­er des sites d’implantation de Nestor. En mai 2022, FO a déposé une pre­mière alerte éthique auprès de la direc­tion du groupe avant d’aviser le comité RSE (respon­s­abil­ité socié­tale des entre­pris­es). «Des recom­man­da­tions ont été émis­es, elles n’ont pas été suiv­ies», regrette Jean-Yves Ségu­ra. À la fin de l’année, un sondage auprès des 860 salarié·es du cen­tre d’ingénierie hydraulique (CIH) d’EDF a révélé que 78% des répondant·es con­sid­éraient le pro­jet «con­traire à la respon­s­abil­ité socié­tale d’EDF».

Alors que le con­trat est désor­mais signé, la branche énergie du syn­di­cat FO veut tir­er les leçons de cette séquence et plaide désor­mais pour la créa­tion d’un droit nou­veau «de retrait envi­ron­nemen­tal et éthique» pour les employé·es d’EDF et des grandes entre­pris­es de l’énergie. Ces dernier·es pour­raient notam­ment se déporter de cer­tains pro­jets qu’ils jugent con­traires «aux engage­ments publics de leur entre­prise ou avec la néces­sité d’engager une tran­si­tion énergé­tique exem­plaire», écrit le syn­di­cat dans un com­mu­niqué.

La ville-immeu­ble The Line, cen­sée accueil­lir 9 mil­lions d’habitant·es à terme, fonc­tion­nera unique­ment grâce aux éner­gies renou­ve­lables. © Neom

Lucide, Jean-Yves Ségu­ra recon­naît que ce nou­veau droit n’est pas prêt d’exister, ni à EDF ni ailleurs, car le débat s’ouvre seule­ment. Il est néan­moins révéla­teur des évo­lu­tions socié­tales récentes. «On ne veut plus enten­dre “ton entre­prise, tu l’aime ou tu la quittes”. On veut pou­voir la faire évoluer, sans trahir sa con­science», explique-t-il.