Pleins gaz. Une étude choc sur les problèmes de santé provoqués par la cuisson au gaz a déchiré les camps Républicain et Démocrate aux États-Unis. Plus discret, le débat s’engage aussi en Europe où des associations appellent la Commission à revoir les normes d’usage.
Tout commence en janvier, lorsqu’un responsable de la Commission américaine de sécurité des produits de consommation (CPSC) déclare que les cuisinières à gaz constituent un «danger caché» et que l’interdiction de leur vente était «sur la table».
L’institution se fonde alors sur une nouvelle étude de l’International Journal of environmental research and public health qui démontre l’impact considérable de la cuisson au gaz sur la santé des enfants. «12,7% de l’asthme des enfants actuel à l’échelle nationale est attribué à l’utilisation de cuisinières à gaz, ce qui est similaire à la charge de l’asthme infantile causé par le tabagisme passif», concluent les auteur·rices. Deux élus démocrates — le représentant Don Beyer (Virginie) et le sénateur Cory Booker (New Jersey) — demandent alors à la CPSC de réagir. Début janvier, Richard Trumka Jr, membre de l’agence administrative, se dit prêt à interdire les gazinières incriminées.
La gazinière érigée en totem politique
La déclaration met le feu aux poudres des Républicains, qui font alors de la gazinière un symbole national. «Vous devrez me l’arracher des mains froides et mortes !», tweete le représentant républicain Matt Gaetz au-dessus d’une vidéo de sa cuisinière. «Les cuisiniers disent que le gaz est meilleur», défend l’ancien président Donald Trump lors d’un meeting le 28 janvier. Un chef cuisinier, régulièrement invité sur Fox News, ira jusqu’à se scotcher à une gazinière en guise de protestation. Face à la controverse, le président de la CPSC publie un démenti et la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, se voit obligée de rappeler que «le président ne soutient pas l’interdiction des réchauds à gaz».
Malgré tout, la polémique ne cesse d’enfler et le débat s’étend à l’Europe. Publiée en janvier, une étude conjointe de l’ONG Clasp et l’Alliance européenne pour la santé publique (EPHA) documente le dépassement régulier des seuils limites de pollution de l’air intérieur dans les foyers équipés d’une gazinière. «Dans les pays d’Europe de l’Ouest, la limite journalière recommandée par l’OMS pour le dioxyde d’azote est dépassée cinq jours sur sept», écrivent les auteur·ices à partir de tests réalisés en laboratoire. En France, plus de 140 000 enfants souffriraient d’asthme à cause des gazinières, dont sont équipés 31,7 % des ménages français.
Les cuisinières à gaz sont néfastes pour la santé même à l’arrêt
En plus de ces polluants néfastes pour les systèmes respiratoire et cardiovasculaire, des recherches de plus en plus nombreuses montrent que les cuisinières à gaz diffusent des composés toxiques même lorsqu’elles ne sont pas utilisées. Parmi les plus inquiétants figure le benzène, un agent cancérigène, retrouvé dans près de 99% des maisons étudiées, selon une étude de l’institut de recherche privé PSE healthy energy menée en Californie. Enfin, les gazinières sont aussi mauvaises pour le climat. Aux États-Unis, la cuisson au gaz provoquerait des rejets de méthane — un puissant gaz à effet de serre — comparables à ceux de quelque 500 000 voitures.
En Europe, des associations profitent de la réévaluation des normes Ecodesign sur les appareils de cuisson pour demander l’arrêt progressif des gazinières sur tout le continent. «Avec la crise énergétique actuelle, nous pouvons craindre un impact sanitaire notable sur les cas d’asthme des enfants cet hiver et ces chiffres nous obligent à repenser nos modes de vie et de consommation», alerte auprès de Vert Tony Renucci, directeur général de l’association Respire. Il explique vouloir interdire progressivement les appareils de cuisson au gaz dans l’Union européenne. Sa proposition fera-t-elle un four ?