C’est dans l’aire. À l’occasion du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la France a redit sa volonté de protéger 30 % des espaces terrestres et marins d’ici 2030. Ce qui devrait entraîner la création de plus d’aires protégées, pourtant controversées.
Pour l’UICN, une aire protégée est un « espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autres, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associées ». La naissance de ces zones précède celle de l’UICN, en 1948 à Fontainebleau. Un choix de lieu pas anodin, puisqu’il s’agit de la première réserve naturelle officiellement créée, en 1861. Elle a très vite été suivie par la création du premier parc national, à Yellowstone (États-Unis) en 1872.
Depuis, les aires protégées sont considérées par l’UICN comme « le principal pilier des stratégies de conservation de la biodiversité ». L’organisation les classe en sept catégories : réserve naturelle intégrale, zone de nature sauvage, parc national, monument naturel, aire de gestion des habitats/espèces, paysage terrestre/marin protégé et zone de gestion de ressources protégées.
Aujourd’hui, les aires protégées représentent plus de 17 % de la surface terrestre et 8 % des eaux côtières et des océans (Protected Planet Report 2020). Mais les niveaux de protection sont très variables, car elles sont souvent définies par les gouvernements, sans réelle unité ou garanties. En 2014, l’UICN a donc mis sur pied sa « liste verte ». Pour en faire partie, les territoires doivent répondre à quatre critères : bonne gouvernance, planification solide, gestion efficace et résultats obtenus pour la conservation de la nature. La France compte 22 des 59 aires protégées qui y sont recensées (UICN France).
L’impact des aires protégées sur les populations locales est toutefois remis en question. En amont du congrès de l’UICN, l’ONG Survival International a organisé à Marseille un contre-sommet pour interpeller sur la nécessité de « décoloniser la conservation de la nature ». Sa responsable, Fiore Longo, a expliqué à Vert que la protection de la nature est « liée au passé colonial et continue de reproduire cette logique ». « Au 19e siècle, on a expulsé des peuples autochtones qui vivaient à l’intérieur des premiers parcs naturels, en disant qu’ils détruisaient la nature et que celle-ci devait être sauvage pour être protégée. Ce type de modèle a été repris lors de la colonisation de l’Afrique. Or, ces populations entretiennent des liens étroits avec la nature, pour leur nourriture ou leurs rituels. Leur vie dépend d’elle, donc elles lui assurent un rôle essentiel de protection », précise-t-elle.
Ce n’est donc pas pour rien, rappelle Fiore Longo, que 80 % de la biodiversité se trouve en effet sur les territoires autochtones (ONU). Or la plupart du temps, les gouvernements ou ONG de défense de la nature créent des aires protégées « sans demander le consentement de ces populations ». Un comportement qui entraîne de graves violations des droits humains, que Survival International recense. L’organisation a ainsi alerté par exemple sur les exactions commises à l’encontre des populations vivant dans le bassin du Congo, où WWF portait un projet d’aire protégée (Le Monde).
Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez L’invention du colonialisme vert de Guillaume Blanc (2020), dont Vert avait fait la chronique.