Pouvez-vous faire un état des lieux de la sécheresse actuelle ?
La sécheresse de 2022 s’était installée très tôt dans l’année, dès le mois de mars. Elle a été largement accentuée pendant l’été avec la succession des vagues de chaleur, et elle s’est prolongée jusqu’à l’automne et au début de l’hiver, surtout dans le sud-ouest du pays. On a quand même eu une coupure, où les sols se sont réhumidifiés de manière très correcte cet hiver. Mais dans certains départements, comme les Pyrénées-Orientales, les pluies hivernales ont davantage été un simple répit qu’autre chose.
On a eu des précipitations globalement dans les normales entre septembre et janvier, et c’est vraiment l’absence de précipitations depuis janvier qui a commencé à réaggraver cette sécheresse. Actuellement, on est dans une situation de sécheresse qu’on rencontre normalement à la fin du mois d’avril, donc on a concrètement deux mois d’avance. C’est une situation très remarquable.
L’absence de pluie est assez remarquable cet hiver. Comment cela s’explique-t-il ?
Jusqu’au 20 février, on est sur une série de 30 jours sans pluie [quand les précipitations agrégées sur le pays ne dépassent pas les 1mm, NDLR], depuis le 21 janvier. C’est une situation exceptionnelle — on n’a jamais eu un tel record sur des mois d’hiver. Le dernier épisode aussi remarquable remontait à l’hiver 1989 [22 jours sans pluie]. Et nous allons égaler le record de journées consécutives sans pluie, tous mois confondus, qui a été observé pendant 31 jours mars et avril 2020, pendant le premier confinement. Cette absence de pluie s’explique par un anticyclone centré sur la France de manière durable, qui nous protège de l’arrivée des tempêtes.
Quel est l’impact de cette absence de pluie ?
Une des conséquences de cette sécheresse va être sur la ressource en eau à disposition. Elle a déjà été bien mise à mal avec la sécheresse de l’an dernier, et cet hiver — malgré des précipitations quasi normales sur certains mois -, ne devrait pas permettre de reconstituer les stocks d’eau dans les lacs, les rivières et les nappes phréatiques de manière correcte.
Se dirige-t-on vers un nouvel été de sécheresse extrême ? Quelles conditions permettraient d’inverser la tendance ?
Les nappes phréatiques peuvent se remplir jusqu’en mars, et ce mois-ci sera décisif pour inverser la tendance. Ensuite, c’est plus compliqué, car la végétation repart et puise de l’eau dans le sol. Celle-ci s’évapore aussi davantage avec la hausse des températures.
Mais même là, tout ne sera pas perdu. Si on a un printemps ou un été pluvieux, cela nous éviterait de puiser dans les stocks d’eau, et la situation serait nettement moins difficile.
Nous faisons des tendances sur les trois prochains mois, mais malheureusement, on n’a pas de tendance nette pour le moment et on n’arrive pas à dégager un scénario plus pluvieux ou plus sec que la normale.
Outre l’absence de pluie, on connaît des températures globalement plus élevées que les normales de saison. Depuis combien de temps cet épisode dure-t-il ?
Sans compter février, on est sur une série de 12 mois consécutifs avec une température moyenne supérieure aux normales de saison. Un tel enchaînement, c’est du jamais-vu. La précédente série record avait duré neuf mois. Sachant que, pour l’instant, il y a des chances que le mois de février devienne le treizième mois. Au 20 février, on a une température moyenne supérieure de 1,2 degré par rapport à la normale.
Peut-on parler d’épisodes de «canicule hivernale» ?
À Météo-France, on ne va pas parler de canicule hivernale puisque l’on associe les canicules à des seuils de températures très précis (notamment des températures minimales la nuit). On va plutôt privilégier le terme de douceur hivernale, voire de chaleurs tardives ou précoces.
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