Dans un court roman-enquête qui s’avale d’une traite, l’écrivain Marin Fouqué nous immerge dans la vie rurale, crue et généreuse, de deux néo-paysans venus de banlieues. Un ouvrage de la nouvelle maison d’édition de la revue indépendante XXI, lancée en mars dernier.
Valentin a fait les Beaux-Arts de Cergy. Islemme a grandi dans une cité de Salon-de-Provence et a passé dix ans dans les montagnes à guider des brebis. Ensemble, ils se sont installés sur une parcelle de 10 hectares, près de Digne (Alpes-de-Haute-Provence). Leur petit garçon de trois ans, Naïm, appelle les voitures «camion» et ne cesse d’égarer son «loulou», sa peluche en forme de loup.
Un été, l’écrivain Marin Fouqué, ami de Valentin, leur rend visite et participe aux récoltes. Douleurs au dos, vie à l’Amap, angoisses de la sécheresse, haine du loup, ravageurs : son reportage poétique et intense brosse un portrait hyper-réaliste du retour à la terre où le corps a retrouvé sa place.
Extrait. «D’abord, il faut sortir les cagettes. Disons, une cinquantaine de cagettes à poser sur un diable. Disons, un diable avec une roue crevée. Disons, une roue crevée qui résiste au corps. Et disons que dix allers-retours, ça pèse lourd jusqu’au garage. Rappelons que le garage est trop sombre, bâti dans le béton dégueulasse des maisons pas finies, pas finies par manque de temps, par manque de fric, par manque de tout, les garages à supplice où l’on donnerait père et mère pourvu que ça cesse.»
L’enquête est suivie d’un entretien avec Dominique Paturel, chercheuse à l’Inrae de Montpellier, pour repenser la juste rémunération des agriculteur·ices et l’accès à une nourriture saine pour toutes et tous.
À la terre, Marin Fouqué, éditions XXI, juin 2023, 96p, 9€
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