La quotidienne

Vendre terre et mer

Chères toutes et chers tous,

 
🍁 Jusqu’à vendredi, Vert passe en édition spéciale sur le vivant alors que se tient à Montréal la 15ème Conférence des Nations unies (COP15) sur la biodiversité. Les éditions quotidiennes seront un peu plus riches qu'à l'accoutumée - le vivant le vaut bien !


Les multinationales promettent d’intégrer le vivant au business, mais oublient qu’elles participent au déclin des espèces.


COP15 : quand soudain… TotalEnergies

Cata40. Les grandes entreprises sont venues à la COP15 de Montréal pour expliquer comment répondre à l’effondrement du vivant - sans trop changer leur business model. Parmi les intervenant·es, des cadres des géants Holcim (ciment), Ikea (meubles), Vale (mines), ainsi que des pétroliers BP et… TotalEnergies.

« Le secteur de l'énergie a un rôle clef » pour répondre aux crises du climat et de la biodiversité, avance Catherine Remy, vice-présidente de TotalEnergies en charge de l’environnement et du social, au micro d’une table ronde baptisée « intégrer la biodiversité au business ». Manière pudique d’éluder le fait que les énergies fossiles causent 78% du réchauffement, lui-même menace majeure pour le vivant.

« Notre réponse à la crise de la biodiversité, c'est notre stratégie climatique », explique la dirigeante. Hélas, censé mener la firme vers la neutralité carbone en 2050, le plan climat de TotalEnergies a conduit plusieurs actionnaires, dont le Crédit mutuel, à voter « contre » au motif qu’il était trop flou et prévoyait toujours des investissements massifs dans les énergies fossiles.

Catherine Remy de TotalEnergies. © UNBiodiversity

Quid du projet Eacop, qui vise à creuser 400 puits de pétrole en Ouganda et les acheminer dans le plus long oléoduc chauffé du monde à travers la Tanzanie, menaçant d’endommager quelque 2 000 kilomètres carrés d’habitats fauniques protégés ? « Le pipeline sera enterré deux mètres sous terre et il ne fera que 20 mètres de largeur : la nature va reprendre ses droits », explique à Vert la vice-présidente, qui promet des « gains nets en termes de biodiversité ». Autrement dit, les destructions d’espèces seront « compensées » en favorisant la biodiversité ailleurs que sur le tracé du pipeline

« Ce qui est en jeu pour nous, c’est notre “social licence to operate” [autrement dit, l’approbation sociale du public] et notre capacité à attirer et retenir les talents », dit encore la dirigeante. Elle a le sentiment de « travailler pour l’entreprise la plus haïe de France », confie-t-elle à Vert, bien qu’elle soit « convaincue qu’on change le monde ».

· Vendredi, TotalEnergies a annoncé ne plus siéger au conseil d’administration du géant gazier russe Novatek, qu’elle détient à 19,4%. Le groupe, qui reste actionnaire de l’entreprise russe, explique ne « pas être en mesure de céder » ses parts en raison des sanctions européennes contre la Russie. La société française était l’une des seules grandes compagnies pétrolières occidentales à avoir maintenu la plupart de ses investissements en Russie depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. - Actu-Environnement

· Lundi soir, la Commission, les États membres et le Parlement européen se sont accordés sur la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Cette « taxe carbone aux frontières » inédite oblige les importateurs des secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité, hydrogène) à respecter les standards environnementaux européens, en achetant un « certificat d’émissions ». - Le Monde

· Un premier satellite météo « nouvelle génération » doit être lancé ce mardi depuis la Guyane. Baptisé « MTGI1 », il permettra d'améliorer la fiabilité des prévisions météorologiques à court terme grâce à des images plus précises et plus fréquentes. Les technologies mises en place favoriseront aussi une meilleure détection des phénomènes extrêmes, comme les orages ou les tempêtes. - France info

· Une prime de cent euros sera allouée aux néo-covoitureur·ses en 2023, a annoncé le gouvernement mardi dans le cadre d’un nouveau plan pour développer cette pratique. Les conducteur·rices qui s’inscrivent sur des plateformes de partage des trajets toucheront 25 euros au premier covoiturage, et 75 euros en plus s’ils en font dix en moins de trois mois. Le gouvernement vise trois millions de trajets mensuels dans quelques années, contre 900 000 actuellement. - Ouest-France (AFP)

Frankie le dinosaure à la COP15 de Montréal. ©  UNBiodiversity

Extinctionnosaure. Unique rescapé de la météorite qui frappa la Terre voilà 66 millions d’années (c’est ce qu’il dit, en tout cas), Frankie le dinosaure est venu prier les négociateur·rices de la COP15 : « Ne choisissez pas l’extinction », en luttant contre l’effondrement du vivant et la crise climatique. Le héros de la campagne du même nom, portée par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a fait forte impression en salle de presse.

C’est pas bio, ça ? Vendredi, une centaine de scientifiques a alerté sur les risques que feraient peser les biotechnologies génétiques (comprendre : des technologies capables de modifier les gènes) sur la biodiversité, notamment dans l’agriculture. Elles et ils soutiennent que celles-ci pourraient mettre en péril les pollinisateurs et d’autres insectes et demandent un moratoire mondial sur les pesticides génétiques.

De l’œuf ou de la poule. Lors des négociations, certains pays du Sud rechignent à s’engager sur des objectifs ambitieux de conservation et de restauration de la biodiversité tant que les moyens mis sur la table ne seront pas suffisants. Samedi, par la voix du Brésil, ils ont réitéré leur demande d’attribuer 100 milliards de dollars par an à la protection du vivant, soit la même somme prévue pour le climat. D’autres pays, en particulier du Nord, préfèrent que des accords soient trouvés sur les objectifs en matière de préservation du vivant avant de parler de gros sous. Alors, ambition ou pognon ? « Les deux doivent aller de pair », a réagi WWF international.

Pétrole du tout. Lundi, la vice-présidente en charge de l’environnement et du social chez le pétrolier BP, Kathrina Mannion, figurait parmi les dirigeant·es invité·es à phosphorer sur leur rôle dans la crise du vivant. Douze ans plus tôt, elle négociait les objectifs d’Aichi sur la biodiversité (Vert) au sein de la délégation officielle du Royaume-Uni. C’est au cours de la même année 2010, qu’explosait la plateforme pétrolière offshore Deepwater horizon (onze morts et 800 millions de litres de pétrole répandus dans le Golfe du Mexique), appartenant à BP. Compagnie que Kathrina Mannion rejoignait deux ans plus tard. Hier, cette dernière s’est réjouie que son patron connaisse le mot « biodiversité ».

Les graines de la concorde. Lundi encore, un vent d’optimisme a soufflé sur le palais des congrès de Montréal après une semaine de timides négociations à la COP15. « Il y a du mouvement », s’est félicitée Florika Fink Hooijer, à la tête de la direction générale « environnement » de la Commission européenne. Le WWF a salué une approche « beaucoup plus constructive » et l’ambassadrice française pour l’environnement, Sylvie Lemmet, a reconnu des progrès « en termes de compréhension mutuelle », même si « cela ne se traduit pas encore tout à fait dans les textes ».

La Fondation Tara nous ouvre « Un Hublot sur l’Océan »

Ne pas en perdre une goutte. Après une première saison de podcasts réalisés à bord de la goélette Tara, la Fondation Tara Océan - qui mène des expéditions scientifiques en mer, nous plonge un peu plus dans son univers et nous ouvre les portes de son histoire. Le premier épisode de cette seconde saison donne la parole à Leslie Moquin, une artiste en résidence à bord du navire.

Le premier épisode de la saison 2 ©  Fondation Tara Océan

+ Loup Espargilière, Alban Leduc et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.